PARTIE 1 : Qui êtes-vous ?
Tristan Ferré : Virginie Chapdelaine, vous êtes normande, plus précisément, vous êtes manchoise. Quand on vous demande votre CV, vous nous répondez : « Lequel ? J’en ai plusieurs ! ». Vous avez certainement autant de casquettes qu’il y a de couleurs dans un arc-en-ciel, mais le vôtre, par cinquante nuances n’est composé que de rose. Comédienne, humoriste, chanteuse, auteure, metteur en scène, vous avez fait le choix de la « happy-culture », votre métier : créatrice de bonheur, animatrice en yoga du rire, praticienne en psychologie positive, votre combat, c’est l’optimisme, votre Graal c’est le sourire et la résilience. Vous êtes un peu comme cette potion magique qui fait pousser des fleurs si elle tombe au sol. D’ailleurs, en 2003, vous avez créé le Jardin du Clos Fleuri. Les poules y gambadent en liberté. Vous offrez à vos visiteurs un cadre magique pour vos séances de médiation animale, quand d’autres s’aventureront une nuit ou deux dans le fameux Tonneau des Amoureux. Alors Virginie, est-ce que cette description vous convient ?
Virginie Chapdelaine : Je n’aurais pas mieux dit moi-même.
Tristan Ferré : Et bien super. Alors Virginie, quand on décortique un petit peu votre parcours, on a l’impression que le bonheur est dans le jardin.
Virginie Chapdelaine : Oui, le bonheur est dans le jardin, même un petit peu plus puisque chez moi, le jardin déborde dans ma maison. C’est drôle parce qu’il y a peu de temps, j’ai commencé à faire un podcast moi aussi de mon côté, et je l’ai appelé « Longtemps je me suis levée de Bonheur » et « bonheur » évidemment en un seul mot.
Tristan Ferré : D’accord, c’est magnifique ! Qu’est-ce qui a fait afin que vous en êtes arrivée à créer un projet aussi atypique et j’ai envie de dire même une personnalité aussi atypique ?
Virginie Chapdelaine : Je crois que depuis que je suis toute petite, je me suis laissée guider par mes passions et j’ai découvert le théâtre quand j’avais six ans. Et, j’ai tout de suite compris que c’était quelque chose qui me rendait vraiment heureuse, mais que ça n’en resterait qu’à l’état de passion. J’ai refait une petite piqûre de rappel à l’école, les ateliers de théâtre, du temps où on avait des cours de socioculturel et lorsque j’ai eu mon diplôme agricole, j’ai fait mon premier job dans une ville que je ne connaissais pas et tout de suite, je me suis dit : « il faut que je m’inscrive à un atelier de théâtre » et ça a été un peu le moteur, mon fil rouge de toute ma vie. Au fil des boulots que j’ai dû faire, il y avait toujours un à côté théâtre et un jour l’amour a frappé à ma porte. Je suis tombée amoureuse d’un agriculteur qui avait une ferme au bord de la mer dans La Manche à Jullouville. C’est là que j’habite à présent. Et lorsque que nous nous sommes mariés, que j’ai donc abandonné mon job qui était trop loin de chez nous, je me suis dit : « il faut que j’ouvre la porte en grand au théâtre ». Pour moi, il n’était pas question d’aller traire les vaches, pour travailler avec mon mari donc j’ai mis à profit ce qu’il y avait dans mon environnement proche, le beau bocage normand, qui me tendait les bras. J’y ai planté quelques plantes originales et tout de suite mon idée allait être de faire du théâtre dans mon jardin. C’est de là qu’est partie cette idée de départ.
Tristan Ferré : Ça, c’est assez passionnant et ça revient vraiment l’idée que vous avez un personnage atypique et je pense que beaucoup de personnes ont envie d’avoir votre histoire. Alors, vous avez beaucoup de passions. Est-ce que vous pouvez nous dire quelles places les animaux prennent dans tout ça ?
Virginie Chapdelaine : Les animaux, pour moi, ont toujours eu une place. Quand je cherche dans mes souvenirs les plus lointains, il y a toujours un ou deux chats un qui étaient près de moi, qui dormaient avec moi, qui étaient dans la maison. Mes grands-parents avaient un chien qu’on a récupéré à leur décès. Comme j’étais une petite fille assez silencieuse, assez timide, en fait les animaux ont toujours été des confidents pour moi. J’avais quelques amis, mais pas énormément. Les animaux avaient vraiment une place particulière. Cette bienveillance que je voyais dans leurs yeux quand on quand on échangeait, quand moi je leur parlais et qu’ils m’écoutaient, c’était quelque chose de vraiment puissant. La chose que j’ai aimée en rencontrant mon mari, dans le fait qu’il était agriculteur, moi je n’étais pas fan des vaches, mais c’était en fait qu’il ouvrait une porte sur un monde que je ne connaissais pas, le monde des animaux de la ferme et plus précisément de la basse-cour. Je me suis prise de passion pour les poules, je peux passer des journées entières à observer mes poules gambader dans le jardin, je trouve ça passionnant. De voir un peu les systèmes sociaux entre chaque classe d’animaux, je trouve ça passionnant.
Tristan Ferré : Et j’ai l’impression que les publics qui viennent chez vous, vous faites aussi de la médiation par l’animal. Les publics qui viennent chez vous sont tout aussi enchantés. Est-ce que vous pouvez nous dire un peu quels sont les publics que vous recevez au Jardin ?
Virginie Chapdelaine : Il y a des publics très divers. Peut-être que mon tout premier public en fait, ça a été les familles avec des jeunes enfants, puisqu’une première animation que j’ai pu mettre en place dans mon jardin, c’était en 2006. J’ai organisé mes premières chasses aux œufs de Pâques. Les enfants venaient dans le jardin et ramassaient les œufs au milieu des poules et des lapins qui étaient en liberté dans le jardin. C’était mon premier public et petit à petit, sans faire de vraies recherches sur le public je voulais accueillir, mais j’ai plutôt répondu à des demandes qui se faisaient naturellement. J’ai accueilli des publics handicapés, que ce soit handicap visuel ou handicap mental, un petit peu aussi de handicap physique. J’ai accueilli aussi des personnes âgées, je me rappelle une fois où j’ai accueilli un groupe de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Les encadrants de ces personnes m’ont fait un retour après leurs visites en me disant qu’il y avait eu beaucoup de bienfaits, de retour au centre après parce que j’avais une collection de rose anciennes qui ont fait ressurgir des souvenirs chez ces personnes-là, c’était assez gratifiant. Après, je me suis intéressée aux organisations d’enterrements de vies de jeune fille ou de vie de célibataire. J’ai accueilli des vins d’honneur de mariage. En fait à chaque fois que j’ai une idée nouvelle, j’essaie de voir comment l’étendre dans mon jardin.
Tristan Ferré : C’est sympa, ça veut dire que vous êtes vraiment à la croisée des chemins avec plusieurs métiers, plusieurs structures, plusieurs publics. On croise assez peu finalement des personnes qui reçoivent à la fois des enterrements de vie de jeune fille et de la médiation animale auprès de personnes fragilisées. Est-ce que vous avez une dernière petite anecdote à nous partager sur votre activité ?
Virginie Chapdelaine : Oui, mon activité, je ne l’ai jamais vraiment anticipée. Elle a vu le jour grâce à une idée un jour, à mes passions. Mais je me suis aussi laissée guider par mes propres clients, notamment dans la création de confitures à partir des fleurs, que je peux faire avec les fleurs de mon jardin. C’est quand j’ai reçu mes premiers clients qui venaient visiter et goûter dans le jardin et ils ont goûté mes confitures et ils les ont trouvés fantastiques. On m’a demandé si j’en vendais. Moi, à côté moment je m’étais imaginé que je pouvais vendre des confitures et en fait à chaque fois, c’est mes clients qui m’ont soufflé des idées et je me suis à chaque fois lancé des défis : « Pourquoi pas ? Je vais le faire dans mon jardin ». Je me laisse guider au fil des tendances et au fil des envies de mes clients.
Tristan Ferré : Et bien super. On passe à la petite parenthèse « enchantée » si vous le voulez bien.
Virginie Chapdelaine : Alors, j’ai choisi un extrait d’un livre de Claude Lemesle qui s’appelle L’art d’écrire une chanson. C’est une méthode pour écrire des chansons et ça tombe bien puisque je suis moi-même auteure de chansons. Dans cet extrait que je vais vous lire, il parle d’un soir où il était chez Michel Galabru et il dit que quand on a une compétence, c’est bien, mais c’est encore meilleur lorsqu’on la partage. Je vous lis ce petit extrait.
Virginie Chapdelaine : « La chance ne se mérite qu’en aval, que si on la partage. On est redevable à la vie des privilèges qu’elle vous accorde et c’en est un immense de faire le métier qu’on aime. Tant et tant de gens ont des boulots qui les indiffèrent, ou les dépriment auxquels ils vaquent sans y prendre plaisir, sans autre motivation que celle d’assurer toujours le nécessaire, parfois le superflu jamais l’essentiel. ».
Virginie Chapdelaine : Je trouvais très intéressant ce petit extrait qui parle de l’art d’écrire des chansons et je trouve que ça raisonne vraiment sur le métier que je fais aujourd’hui au sein de mon jardin, de faire vraiment le métier que j’aime. J’ai vraiment utilisé mes passions pour les mettre au service de mon job de rêves et c’est ce qui fait qu’aujourd’hui je suis vraiment épanouie.
Tristan Ferré : Moi j’entends ça dans les Entrepreneurs Animaliers très souvent : l’idée de faire un métier qui nous plaît. Au-delà de ça, ça transforme un petit peu l’ambition de vivre ses rêves, de le partager, de ne pas être seul dans sa propre passion, mais de partager, d’avoir une notion humaine aussi, même dans la passion des animaux.
Aventure entrepreneuriale
Tristan Ferré : On passe à la troisième partie, qui est la partie entrepreneuriale. On va parler un petit peu de vos projets, de ce que vous avez accompli jusque-là. Est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu nous parler de cette aventure entrepreneuriale qui est le Jardin du Clos Fleuri ?
Virginie Chapdelaine : Alors, c’est une aventure qui a été un petit peu en dents de scie parce que moi je me suis installée en tant que chef d’exploitation agricole en 2003. Auparavant, j’étais cadre à la Chambre d’Agriculture. Quand je me suis installée, c’était donc une installation agricole avec les aides, une installation classique dans le cadre des aides à l’agriculture, à l’installation en agriculture. Mais en arrière-plan j’avais déjà l’idée que mon installation ne serait pas classique puisque j’avais ce volet culturel qui est très très fort en moi. J’ai fait une installation classique avec reprise de terre, avec reprise de quotas laitiers puisque mon mari était déjà éleveur laitier, on a créé une société ensemble, une EARL. Mais, j’étais soumise à des obligations de résultats puisque j’avais reçu des aides de l’État. J’ai été très très frustrée pendant longtemps parce que je ne me sentais pas libre de faire ce que je voulais de mon installation. J’étais avec des obligations à rendre à des propriétaires, puisque j’avais repris des terres en fermage. J’avais des obligations en termes de rentabilité laitière, et donc j’ai passé plusieurs années à galérer. Je me disais : « mais finalement, je me suis enfermée dans ce système d’installation agricole avec les aides ». Petit à petit, j’ai forcé le pas et j’ai commencé toute seule avec des bouts de ficelle. Aussi parce que j’ai un bon réseau de connaissances puisque j’étais de l’autre côté de la barrière auparavant j’étais conseillère agricole. Je me suis, dans un premier temps, affiliée à « Bienvenue à la Ferme » et cette collaboration avec ce label m’a apporté beaucoup de choses. Déjà, j’ai pu laisser libre cours à ma créativité, ça, c’était énorme. Si j’en retirais a posteriori un enseignement, c’est que vraiment, il faut s’entourer des bons partenaires dès le départ. Moi, toute seule, au départ, je n’ai pas avancé, je n’arrivais pas et j’avais l’impression que ça me mettait plus des bâtons dans les roues qu’autre chose, à partir du moment où j’ai adhéré à « Bienvenue à la Ferme », ça a été vraiment une belle opportunité pour moi. Malgré tout, comme on n’avait pas beaucoup d’argent avec mon mari, et qu’il n’était pas question d’investir pour des projets qui pouvaient lui paraître à lui « dans le vent », il n’y avait pas de concret pour lui, voilà, l’aspect culturel en agriculture, ce n’est vraiment pas la priorité. Moi j’ai tenu bon, mais ça a été vraiment très dur. Honnêtement, Le Jardin du Clos Fleuri, il a commencé à se faire connaître peut-être au bout de cinq ans seulement. Donc ça a été quand même compliqué. Je peux dire que j’ai ramé, j’ai passé des journées entières à faire des confitures, des fois, je mettais en pot mes confitures de rose jusqu’à une heure du matin pour me relever à six heures pour aller récolter mes fleurs, ensuite allumer le four à pain pour faire du pain ensuite faire mes brioches pour accueillir mes visiteurs. Bref, c’était une vie assez passionnante certes, mais vraiment épuisante.
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Tristan Ferré : Oui effectivement, avec beaucoup de pression j’imagine. Et aujourd’hui alors comment ça va ?
Virginie Chapdelaine : Alors, aujourd’hui ça va très bien parce que j’ai appris à faire le tri aussi et puis j’ai appris à me modérer. J’ai un caractère qui est passionné et je suis très curieuse, je m’intéresse à beaucoup de choses. J’avais tendance à vouloir tout faire dans mon dans mon job, jusqu’au jour où j’ai fait un burn-out et je me suis dit : « c’est plus possible, je ne peux pas continuer comme ça ». J’ai appris à dire non, j’ai appris à faire des choix et aujourd’hui je me suis vraiment cantonnée à quelques activités au sein mon jardin et pour lesquelles je vais donner toute ma passion et toute mon énergie et là je ne me sens plus épuisée. Ça va aussi de pair avec des formations que j’ai pu faire en développement personnel et je me suis formée aussi à la psychologie positive et ça m’a appris aussi à relativiser. Et puis, le confinement, j’ai beaucoup appris de ce confinement. Le premier confinement au printemps quand même, ça m’a appris à ralentir, à écouter mes besoins aussi et à écouter aussi les besoins du monde. Il y a beaucoup de gens qui sont dans le stress aujourd’hui et je me suis dit de faire de ces inconvénients une opportunité, quelque part, c’est aussi une bonne chose pour moi puisque je vais bientôt lancer mon cabinet de psychologie positive au sein du jardin pour aider les gens à aller mieux. Autant grâce à mes conseils en psychologie positive que grâce aux animaux qui sont encore présents dans le jardin pour la médiation animale.
Tristan Ferré : Qu’est-ce qui vous manque justement aujourd’hui pour pouvoir avancer dans vos projets ? Dans cette belle nouvelle aventure, quelle ambition vous avez pour ce nouveau projet ?
Virginie Chapdelaine : Alors je ne dirais pas qu’il me manque quelque chose, mais peut être un réseau différent, parce qu’aujourd’hui, je sais vraiment ce que je veux apporter au monde, je sens que j’ai un message à transmettre et que je peux aider les gens dans la souffrance. Maintenant, ce qui me manque peut-être c’est de savoir comment je fais pour contacter ces gens, comment je vais les trouver, comment je vais communiquer pour les trouver, pour faire connaître mon activité. Ce n’est pas le tout de dire : « j’ouvre mon cabinet de psychologique positive », il faut que je puisse attirer des clients parce que malgré tout, quand on est entrepreneur, faut faire rentrer de l’argent, faut faire du chiffre d’affaires. C’est bien d’avoir de belles ambitions altruistes, mais l’altruisme, ça n’a qu’un temps, il faut que moi aussi je puisse manger pour ne pas être de nouveau dans le stress. Je pense que ce petit plus sur lequel il va falloir que je travaille, comment apprendre à me faire connaître.
Tristan Ferré : C’est un sujet effectivement qu’on traite beaucoup chez Les Entrepreneurs Animaliers, on a même des formations spécifiques là-dessus et je pense qu’on aura l’occasion de rediscuter de ça. C’est un sujet très très très important pour toutes les personnes qui ont des projets à porter et qui concentrent tous leurs énergies sur la qualité de leurs prestations, la qualité de leur lieu, mais qui négligent absolument le fait que pour que ça marche il faut qu’il y ait des clients, il faut qu’il y ait des bénéficiaires, il faut qu’il y ait des personnes qui soit prêtes à vous payer pour ce que vous faites et ce que vous pouvez leur apporter et la communication et l’acquisition et la fidélisation de son réseau, c’est effectivement quelque chose de très important, merci Virginie de l’avoir rappelé. Est-ce que vous voulez apporter un dernier message, un appel à l’action, une recommandation ou même tout simplement un rêve que vous voudriez partager à notre communauté, à nos auditeurs ?
Virginie Chapdelaine : Moi, j’aimerais encourager tout le monde à croire en ses rêves. Moi, j’ai le sentiment aujourd’hui, j’ai 53 ans, j’ai le sentiment qu’aujourd’hui je suis pleinement épanouie, mais mon chemin de vie n’a pas été simple, parce que je n’ai pas forcément cru en mes rêves tout de suite et je n’ai pas cherché d’aide surtout. J’ai voulu tout faire toute seule et souvent ça m’a épuisée. J’encourage chacun vraiment à croire en ses rêves et un deuxième point important : ne pas hésiter à demander de l’aide. C’est primordial parce que l’union fait la force et quand on est bien accompagné, forcément on va plus loin et surtout plus longtemps.
Tristan Ferré : On sera complètement d’accord sur ce point, c’était le mot de la fin. Je vous invite tous à aller voir le site du Jardin du Clos Fleuri, jardin-du-clos-fleuri.com avec des tirets entre chaque mot si je ne trompe pas ?
Virginie Chapdelaine : C’est ça.
Tristan Ferré : Merci beaucoup Virginie !
Virginie Chapdelaine : Merci, merci Tristan !
Vous pouvez écouter cette retranscription écrite du podcast des Escapades Animalières sur ce lien -> -> J’écoute le podcast des Escapades Animalières