Ah l’ignorance ! Cette peur de ne pas savoir répondre quand on est animateur nature. Voilà un sujet majeur pour tout apprenti facilitateur de la relation au vivant par l’approche éducative et pédagogique. Après avoir évoqué les ravages des méthodes de pédagogie traditionnelles et expliqué l’importance de la diversité pédagogique, nous nous sommes quittés sur un constat : un bon facilitateur privilégie l’apprenant au savoir.
Mais comment cela peut s’appliquer au quotidien ? C’est ce que je vous propose de découvrir aujourd’hui à travers l’histoire de Corinne.
Corinne a toujours su qu’elle était née pour travailler avec les ânes.
Reconnue experte dans l’élevage et l’éducation autour de ces animaux, elle partage sa passion avec assurance lors des ateliers et animations qu’elle dirige à la ferme. À chaque question de ses visiteurs, elle offre une réponse précise et éclairée, confirmant son statut de spécialiste dans ce domaine particulier.
👩🎓 Au fil des années, Corinne a bâti une réputation incontestable. L’ignorance : pas pour elle !
Elle sait tout sur les ânes, de leur comportement et leur alimentation à leurs soins et leur éducation. Les participants à ses ateliers, qu’ils soient écoliers, familles ou amateurs d’équidés, repartent toujours impressionnés par l’étendue de son savoir.
Corinne se sent invincible, armée par des années d’expérience et une passion qui transparaît dans chacun de ses ateliers. Elle aime ce sentiment de maîtrise, ce confort que procure la connaissance exhaustive de son sujet.
Ce qu’elle n’a pas compris, c’est que ses visiteurs ne viennent pas dans son âsinerie uniquement pour accumuler des savoirs.
Cette approche, descendante, surchargée de savoirs et centrée sur le « sachant », ne vous rappelle rien ?
Et bien si, Corinne est tombée dans les pédagogies traditionnelles. Non pas par choix délibéré, elle est la première à dire qu’elle est pour les pédagogies nouvelles. Mais parce que sa connaissance absolue lui a facilité le chemin.
😨 Et puis un jour, un nouveau défi se présente… l’ignorance frappe à sa porte
Corinne reçoit une demande d’une école locale souhaitant une sortie éducative en lisière de la forêt, axée sur la découverte de la biodiversité locale. Les ânes ne font pas partie de la demande très précise de l’école.
Corinne ne peut pas refuser cette demande inédite : ce serait un aveu d’incompétence
Alors elle cherche et appelle à l’aide. Sur les réseaux sociaux, elle est en quête « d’idées » pour concevoir son activité. Car il faut se le dire, elle n’y connait pas grand chose.
A quelques jours de l’animation, elle ressent une angoisse inhabituelle. Face à un domaine où ses réponses ne sont plus aussi précises ou évidentes, elle se trouve confrontée à ses propres limites.
Comment guider efficacement sans son expertise habituelle pour se rassurer ?
🤸 Changement de méthode : accepter sa propre ignorance et en faire une force
La veille de l’activité, alors qu’elle avait choisi tant bien que mal une animation « cache-misère » trouvée sur internet, Corinne retombe par hasard sur le livret pédagogique de sa formation d’animatrice nature, et soudain elle reprend ses esprits. Elle s’était beaucoup égarée. Eureka ! Il faut adopter une approche différente … Il s’agira d’une exploration collective.
Elle commence par admettre ouvertement devant le groupe qu’elle explore ce nouvel environnement avec eux.
Dès les premières minutes, elle invite les participants à partager leurs observations et à poser des questions. Ensemble, ils utilisent des guides qu’elle a emprunté à l’occasion, pour identifier les plantes. Elle utilise une banque sonore pour reconnaitre les chants d’oiseaux. Ensemble, les participants discutent des interactions écologiques observables.
Chaque découverte devient le fruit d’un effort collectif. Chaque question ou erreur devient une occasion d’apprendre et de s’adapter.
La lisière de la forêt est un écosystème complexe que personne ne maitrise totalement. Vous avez l’impression que Corinne n’a finalement rien préparé ? Détrompez vous !
Corinne a préparé son cadre. Elle a visité les lieux pour repérer les risques potentiels, elle a pris quelques photos de nids d’oiseaux sur place pour les identifier avant la séance, et elle s’est procuré le matériel nécessaire pour assurer le jour J. Et le plus important : elle s’est formée pour être une bonne facilitatrice.
Souvenez-vous (on l’oublie souvent) : le focus est sur l’apprenant, non sur le savoir. Et donc il reste une compétence que le facilitateur est dans l’obligation de maitriser : l’art de créer la relation au vivant.
L’activité, qui commence comme une exploration timide, se transforme rapidement en une aventure collective passionnée. Les élèves, encouragés par l’approche ouverte de Corinne, commencent à partager leurs propres observations. Un élève remarque la façon dont les fourmis suivent une piste définie, un autre pointe un nid de pics dans un arbre voisin.
Corinne facilite la conversation, aidant chacun à construire des liens avec les connaissances partagées. L’ignorance partagée devient un moteur d’exploration, encourageant chacun à contribuer et à apprendre des autres.
La journée se poursuivra par des activités artistiques en pleine nature et d’éveil des sens. Bienveillance, respect du rythme de chacun et prise en compte des multiples formes d’intelligence seront des savoir-être précieux pour Corinne.
🪴 L’ignorance est finalement le terreau le plus fertile pour faire réussir une animation nature !
À la fin de la journée, Corinne et les explorateurs se sentent tous plus connectés à la nature et les uns aux autres. Cette expérience a transformé Corinne en une animatrice plus adaptable, plus humble, et plus réceptive, prouvant que l’ignorance n’est pas une barrière à l’éducation, mais un tremplin pour la curiosité et la découverte mutuelle.
Pour faire réussir une animation, que l’environnement soit maitrisé ou non, une compétence est clé.
Il s’agit de savoir créer du lien entre le visiteur et la nature. Cet apprentissage passe par plusieurs étapes de formation, encadrées et nourries de ce que les plus grands pédagogues nous ont transmis :
- la maitrise d’une diversité de méthodes pédagogiques
- la compréhension de enjeux de chaque activité (comprendre les besoins, les objectifs concrets d’une animation, les attendus…)
- la connaissance des publics
- la préparation méthodique de son cadre
- l’art de la facilitation, basé sur des méthodes éprouvées
Beaucoup d’entre vous ne se sentiront pas prêts à relever ce challenge. Pour des raisons de motivation (« ça me va de ne pas avoir les bonnes méthodes »), pour des raisons de timing ou tout simplement parce que vous n’êtes qu’aux prémices d’une reconversion.
Pour celle et ceux qui sont prêts à prendre le chemin de l’animation nature, de la pédagogie et l’éducation à travers la relation au vivant : vous pouvez devenir un·e vrai·e professionnel·le, reconnu·e pour ses qualités.
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A bientôt,
Tristan FERRE, fondateur des Entrepreneurs Animaliers.
