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Dans le sujet du jour, on va s’intéresser à la relation entre le monde vivant (c’est-à-dire la nature) et le métier d’éducateur.
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Avant, je vais commencer par vous faire une petite distinction entre la pédagogie et l’éducation. Parfois, on peut les confondre un petit peu.
Tout simplement, la pédagogie, c’est le champ de la raison et de la vérité. C’est-à-dire une accumulation des savoirs. L’éducation, c’est le champ de l’éthique, des valeurs et du droit.
On va être sur une question plutôt tournée vers le comportement, l’attitude de l’être humain, et donc sa place dans le monde. Et vous voyez bien que la notion de connaissance n’a pas vraiment son intérêt dans l’éducation. Pour ça je vais vous donner 2 exemples.
L’éducation à l’environnement
C’est même un métier qui existe, qui est assez documenté. L’éducation à l’environnement, ce n’est pas une accumulation des savoirs. L’objectif de l’éducateur ne va pas être de vous former, de vous apprendre des éléments de botanique, des éléments liés au monde animal, sur comment reconnaître toutes les espèces d’animaux, etc. L’objectif de l’éducation à l’environnement va être de faciliter un apprentissage du comportement. Un comportement qui doit être adapté par rapport au respect de l’environnement, à la nature, au monde vivant.
Et ça change tout parce qu’on remplace la question de l’objet. Le sujet d’apprentissage, c’est l’humain qui apprend quelque chose, et il va apprendre quelque chose vis-à-vis de l’environnement. Donc, l’environnement devient un objet.
Donc, ça n’a rien à voir avec des cours fondamentaux, sur des questions de théorie, etc.
L’éducation par la nature
Si on change un peu d’univers et qu’on va du côté de l’éducation par la nature, vous avez certainement déjà entendu ce terme « éduquer par » ou « à travers la nature ». On va un peu changer le paradigme, vous allez voir. L’objet va devenir l’humain. Dans le cas précédent de l’éducation à l’environnement, on s’adressait à un humain, mais toujours dans le but d’apprendre quelque chose vis-à-vis de la nature.
Là, on va éduquer un humain pour l’humain lui-même.
Et du coup, on demande que fait la nature ? Où est-ce qu’elle est dans cette histoire ? La nature, le monde vivant devient finalement un outil, un intermédiaire, un prétexte, un moyen d’atteindre l’apprentissage voulu.
Donc, on va se concentrer sur des notions d’apprentissage, de la place que l’humain peut avoir dans le monde, du respect vis-à-vis des autres êtres vivants, de son comportement vis-à-vis des autres et de son attitude.
Et c’est sur ce sujet-là que je vais me focaliser aujourd’hui.
L’éducation par la nature, à travers l’environnement
Pour parler de cette éducation par la nature à travers l’environnement, j’ai choisi 2 auteurs, ou 2 praticiens plutôt. Leurs ouvrages vous donneront quelques exemples et vous pourrez voir concrètement comment tout cela peut se manifester.
La médiation animale par Victoria SULE
Le premier exemple, c’est la pratique de Victoria SULE qui a écrit un livre sur la médiation animale.
Alors, le titre est un peu trompeur parce qu’en fait, le sujet, c’est en sous-titre. C’est la zoo-pédagogie Maïeuticienne. C’est un grand terme que vous ne comprenez peut-être pas forcément, mais je vais essayer de vous l’expliquer en quelques mots.
Victoria SULE, c’est une éducatrice. Elle travaille dans un centre éducatif fermé pour des mineurs qui sont sous-main de justice, donc qui ont quasiment commis des délits ou qui sont déjà passés par la prison et qui ont besoin d’une réadaptation sociale par exemple. Elle va s’intéresser à ces jeunes pour les aider à se réinsérer et à trouver un sens à leur existence, tout simplement.
Pour ça, elle va utiliser ce qu’elle appelle la zoo-pédagogie Maïeuticienne. C’est-à-dire l’observation des populations animales, des sociétés animales, pour ensuite aller faire des parallèles avec les sociétés humaines. Et je trouve que son livre est absolument passionnant. Je vous recommande vraiment de le lire. On découvre réellement toute une méthodologie qui permet aux jeunes de se projeter dans un autre mode de vie que la délinquance, la drogue…
Elle va utiliser les sociétés animales pour faire émerger chez les jeunes des parallèles dans la place qu’ils vont avoir dans la société et elle va utiliser plusieurs animaux.
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La notion de place dans la société avec les loups
Le premier exemple qu’elle va utiliser, ce sont les sociétés de loups. Elle va utiliser des chiens-loups, qui vont se rapprocher des races de loup. Ça va lui servir à travailler sur la notion de place dans la société. Les loups sont organisés de manière hiérarchique avec un loup alpha, avec un oméga, avec un bêta, etc.
Et elle va pouvoir utiliser cela pour aider les jeunes à se projeter. Par exemple, le fait de toujours vouloir être le mâle alpha, ce n’est pas forcément la bonne chose pour tout le monde parce qu’être un mâle alpha, ça nécessite d’être exemplaire, d’avoir des responsabilités, d’assumer ses responsabilités, de protéger son groupe. Alors que certains jeunes vont penser que ça veut dire avoir du pouvoir, écraser les gens, mais pas du tout. Si on observe les sociétés de loups, on comprend que le mâle alpha, il a surtout une très grosse responsabilité qui pèse sur ses épaules.
On va aussi comprendre que le loup oméga, qui est souvent réputé pour être le soumis, le dernier, dans un langage un peu plus courant, d’être le perdant, ce n’est pas forcément ça dans une société. Il va être plutôt un médiateur, celui qui permet à des sociétés de s’équilibrer, d’éviter des conflits par exemple. On a besoin d’oméga dans nos sociétés et certains vont pouvoir s’identifier à lui, non pas comme étant le paria, mais comme celui qui va apaiser une société. Ainsi, ça, ça aide beaucoup les jeunes.
Les rats : un miroir des sociétés humaines
Victoria SULE va aussi utiliser les rats domestiques comme étant un miroir des sociétés humaines. Et alors, ça, je le trouve absolument fascinant. Le rat est une symbolique géniale parce que c’est un animal qui est détesté par beaucoup de personnes. En plus, il est souvent dans les laboratoires, donc c’est un animal qui est en cage, emprisonné et ça fait beaucoup écho chez les jeunes qui sont passés par la prison. Ainsi, ça aussi tout un intérêt pédagogique et éducatif pour pouvoir comprendre tout ça.
En fait, on se rend compte que quand un jeune connait un peu plus le rat, connait le mode de vie, connait un peu plus par l’observation les rats, il va en avoir moins peur. Et ça fait écho au racisme, aux couleurs de peaux, aux religions qui disent : « plus on connait quelqu’un, plus on s’intéresse à lui, moins on en a peur et moins on va avoir de préjugés sur cet individu ».
Donc, ça fait aussi partie de l’évolution et donc, purement de l’éducation..
L’observation des fourmis pour l’éducation
Victoria SULE, je crois que c’est une des seules qui a dû d’intéresser à l’observation active des fourmis pour participer à l’éducation des jeunes. Les fourmis sont très soudées, organisées, presque militaires et ce sont des sociétés qui sont adaptatives. C’est une espèce qui existe depuis quasiment toujours, depuis que le monde vivant existe. Et donc, on voit bien qu’elle a réussi à s’adapter aux évolutions du monde. Et ça encore, ça fait écho au niveau de l’éducation de nos jeunes.
Alors, qu’est-ce que j’en retire ? L’observation des sociétés animales, ça n’a pas pour but d’accumuler des connaissances. Je suis quasiment sûr que les jeunes qui en ressortent n’ont pas une connaissance éthologique de la société des fourmis, ne sont pas capables de reconnaître diverses races de fourmis. Ce n’est pas du tout ça l’intérêt d’une telle méthode éducative.
À quoi sert cette méthode éducative ?
Le but, ça va être d’en tirer des apprentissages qui sont réutilisables dans le monde humain. Quelle est ma place ? Qu’est-ce qui va se passer si je me comporte de telle ou telle manière ?
Avec les sociétés de loups, par exemple, si je me comporte mal, je vais me faire recadrer. Si je me comporte bien, ça va bien se passer. Quel rôle est-ce que je veux jouer dans ma propre société ?
L’étude des sociétés animales va permettre de se projeter et de s’identifier à un animal, à un rôle en particulier.
On change un peu d’univers et je vais vous parler d’un autre éducateur, mais qui est aussi pédagogue. La transition est un petit peu plus difficile, mais vous allez voir, on va parler surtout d’éducation.
L’Enfant et la Nature par Frédéric Plénard
C’est monsieur Frédérique PLENARD qui a sorti un premier livre qui s’appelle « L’enfant et la Nature ». Voici le sous-titre : Et si le lien à la nature était le secret d’une éducation au bonheur ? » Ainsi, on est bien dans une question d’éducation.
Il a également été à l’initiative d’une expérience qui s’appelle « Le Grand Secret du Lien ». Vous pouvez regarder le film de cette expérience. On le trouve sur le site Le Grand Secret du Lien et il y a des projections qui sont organisées.
Le Grand Secret du Lien
Le principe de l’expérience, ce fut de plonger des groupes d’enfants et d’adolescents dans des expériences au cœur de la nature. Ils ont choisi plusieurs biotopes : la forêt, l’océan, des univers de nature en ville et puis aussi la montagne. Et on a plongé les enfants dans des expériences de vie, des expériences sensorielles, des expériences de communauté en plein cœur de la nature.
Je vous donne quelques exemples des expériences qui ont été menées dans cette expérience du Grand Secret du Lien.
Il y a par exemple des sessions de plongées, de grandes randonnées, des campements en pleine forêt, des phases de découverte, de recherches, des jeux libres. Intéressez-vous aux jeux libres, vous verrez, c’est quelque chose d’absolument passionnant. Des moments un peu plus sportifs comme de la voile et puis des moments d’ennui provoqué, donc de ne rien faire.
Vu de l’extérieur, on pourrait croire que le but, c’est de donner à ces enfants un certain nombre de connaissances. D’ailleurs, j’ai été assez marqué quand j’ai vu les témoignages des personnes qui sortaient de cette expérience. La première chose qu’on leur demandait, c’est : « maintenant, tu dois être capable de reconnaître toutes les races, toutes les essences d’arbres, tu dois savoir distinguer tous les oiseaux dans la forêt, etc. ».
Et à chaque fois, les enfants qui avaient compris le pourquoi de l’expérience répondaient : « peut-être, mais pas forcément et ce n’était pas ça le but de l’expérience ». L’apprentissage, il est ailleurs. Et l’apprentissage, c’est la connexion, le lien avec la nature.
Dans le livre et dans l’expérience, puisque ce fut mené par une petite étude de scientifiques, ils l’avouent eux-mêmes : l’expérience n’était pas forcément centrée sur l’enfant et sur son apprentissage, mais sur la manière dont on pouvait créer cette connexion entre l’humain et la nature.
Voici une citation qu’on trouve dans le livre de Frédérique PLENARD, c’est une citation d’un des enfants qui a bénéficié de cette expérience, il s’appelle Ludovic. Il dit : « d’habitude, on fait des jeux, on apprend à reconnaître les animaux et les plantes, on va vite. Là, on a eu le temps de ne rien faire, c’était génial. J’ai pu entendre le chant des oiseaux, regarder les formes des arbres, sentir les odeurs ».
Entendre, regarder, sentir. On n’est pas dans une accumulation de connaissance : c’est une expérience sensorielle, une activité expérientielle… Et l’ennui est peut-être l’une des méthodes, les meilleures, pour pouvoir provoquer ça. On voit bien qu’on est dans quelque chose qui n’est pas dans la pédagogie. Et si ce n’est pas dans la pédagogie, c’est sûrement dans l’éducation et on va le voir un petit peu après.
Ce qui fait qu’il y a une phase d’éducation, ce n’est pas juste le fait de plonger des enfants dans la nature et de ne les laisser rien faire. C’est tout l’encadrement qu’il va y avoir autour de ça.
Les différentes phases de l’expérience
Il y a un encadrement scientifique avec une équipe de professionnels de l’éducation, de la sociologie, de l’étude des comportements. Ainsi, la première chose, c’est l’encadrement pendant la phase d’expérience. Et puis la deuxième, ça va être une phase d’ancrage et de verbalisation.
La deuxième phase ne peut pas être décrite en quelques secondes, il faudrait lire le livre pour comprendre. Mais pour faire très simple, à la fin de chaque expérience, il y avait une sorte de création d’un cercle dans laquelle les enfants pouvaient partager ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils ont ressenti. Et cette phase a été désignée comme étant une des plus importantes. Parce que vivre quelque chose, c’est important, mais si on veut l’ancrer et en tirer des conclusions, des apprentissages, il faut la verbaliser entre êtres-humains, et c’est ça qui est important.
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Qu’est-ce que je tire de ces deux ouvrages ?
Quels sont les enseignements que je retire de ces 2 ouvrages et de ces 2 professionnels de l’éducation ? Dans ces approches, et même dans d’autres, car il y a d’autres livres dont je pourrais vous parler, on va remarquer un socle commun.
Le premier, c’est, la nature n’est pas une fin en soi. On n’est pas dans une accumulation des connaissances, je vous l’ai déjà dit plusieurs fois.
La deuxième, c’est que l’apprentissage va être tourné vers l’humain et sa place vis-à-vis de lui-même. C’est-à-dire sa compréhension de lui-même, la compréhension de ses propres émotions, de ses réactions vis-à-vis de ses émotions, etc. Et puis, sa place vis-à-vis de la société avec la zoo-pédagogique, par exemple, ou l’expérience en pleine nature également.
Et ce qui est magique, c’est que ça marche. On remarque dans ces 2 livres que ces expériences en connexion avec un élément vivant accompagné par l’humain va avoir un impact sur l’objectif qu’on s’était fixé, c’est-à-dire susciter des apprentissages. Et donc ça marche.
Le troisième enseignement que j’en retire, c’est que c’est toujours basé sur une méthode avec une phase expérientielle et une phase de verbalisation. Donc, on n’est pas sur le simple fait de plonger des enfants dans la nature ou de plonger des jeunes dans une expérience. Il faut ensuite prendre le recul nécessaire pour mettre des mots dessus, pour l’expliquer, pour exprimer son ressenti et échanger entre êtres humains, pour pouvoir partager ce qu’on a vécu. Et ç’a un vrai impact.
Et enfin, le quatrième enseignement que j’en retire, c’est que l’éducateur, ou le professionnel puisqu’ils ne vont pas tous se prévaloir du terme d’éducateur, il est là pour encadrer cette phase expérientielle. C’est-à-dire que (à part peut-être pour le jeu libre et encore) si on veut qu’une expérience réussisse bien et qu’elle porte ses fruits en termes d’objectifs, il faut que l’éducateur, le professionnel, soit là pour faire en sorte qu’on aille dans la bonne direction et qu’on ne parte pas dans autre chose.
Et puis, il est là aussi pour aider à poser les bonnes questions dans la phase d’ancrage et pour interagir avec la personne.
Et c’est là où on revient, encore une fois, à la notion de facilitateur. Je vous en ai déjà parlé plusieurs fois dans les précédentes vidéos / articles. C’est un terme qui est très important pour moi, le mot de facilitateur. C’est un professionnel qui a pour but de maîtriser la connaissance de l’humain et de la création du lien entre le vivant et l’humain.
Son but, ce n’est pas de tout savoir et d’être capable de répondre à toutes les questions. Son but, c’est de savoir comment est-ce qu’il va créer ce lien entre l’humain et le monde vivant.
Par exemple Victoria SULE ne connait certainement pas tout sur les fourmis, mais ce n’est pas important. L’important, c’est qu’elle soit capable de créer quelque chose autour de l’observation des fourmis. Grâce à cela elle va pouvoir aider les jeunes à en tirer des apprentissages.
Les compétences les plus fondamentales du facilitateur, c’est d’abord la compréhension de ses propres objectifs. Qu’est-ce que je cherche à atteindre en tant qu’éducateur ? D’avoir des méthodes : d’animation, d’écoute, d’observation, de bienveillance et d’empathie. L’empathie étant vraiment une des compétences les plus indispensables dans ces métiers là.
Et ça m’amène à une dernière chose. C’est que le facilitateur, s’il veut être capable de s’adresser à ses publics, il faut aussi qu’il maîtrise sa propre connaissance de lui-même, ses compétences humaines à lui, son propre savoir-être, et ses propres valeurs tout simplement.
Merci d’avoir lu cet article, et à bientôt !
Tristan FERRE, entrepreneur passionné
Fondateur des Entrepreneurs Animaliers
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