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Il faut réensauvager les fermes pédagogiques

Quand on parle d’une ferme pédagogique, on pense souvent à un lieu situé en zone urbaine ou périurbaine, qui vise à participer à l’éducation des citadins à travers la vie à la ferme et à la nature.

Les fermes d’animation, c’est-à-dire celles qui n’ont pas de vocation agricole, en sont les représentantes les plus typiques (les fermes de productions ouvertes au public étant plus répandues en campagne).

Les sujets sont nombreux : découverte des espèces animales domestiques vivant à la ferme, alimentation, jardinage, culture, mais il existe un parent pauvre : la nature. Evidemment la nature est partout. Les plantes, les animaux en font partie mais ici tout est façonné, paysagé, contrôlé, maitrisé.

L’artificialisation de la nature en ferme pédagogique

Le risque, c’est l’artificialisation de la ferme pédagogique au point où la nature, libre, spontanée, locale, disparait au profit des allées, des carrés potagers bien alignés, des espaces de vie surpâturés et bien rectilignes. Ce risque est d’autant plus élevé dans les fermes urbaines ou périurbaines, pour une raison compréhensible : on manque de place! ET surtout on veut que le visiteur voit un maximum de choses dans un minimum d’espaces.

Les projets que je rencontre, quand ils n’en sont qu’au début, tombent dans ce piège. Vous en faites peut-être partie : vous voulez présenter plein d’animaux, de plantes, de panneaux pédagogiques et au final tout est saturé. Même dans votre esprit, je vois bien que ça déborde. Et pourtant, cela part d’une excellente intention, on ne peut pas vous en vouloir.

Si la ferme pédagogique est un lieu d’éducation au monde vivant, alors on doit pouvoir y respirer la nature et l’air frais, on doit pouvoir interagir avec le sauvage.

C’est pour cela que je parle de réensauvagement. Rien à voir avec l’idée d’y apporter des espèces sauvages de façon artificielle. Mais justement de laisser la nature extérieure coloniser une partie de l’intérieur.

De véritables avantages pour le visiteur…

Quels avantages pour le visiteur ? Eh bien c’est d’abord de lui apporter une représentation réelle du monde des fermes et de la ruralité. Je ne connais pas une seule ferme où il n’y a pas de friches, de zones non tondues, d’endroits où les animaux sauvages peuvent nicher, couver, chasser parfois, vivre tout simplement. Des zones où on laisse aux « mauvaises » herbes le droit d’exister, aux taupes le droit de creuser. Les lisières des forêts ne sont jamais bien propres ni rectilignes : les ronces barrent les passages, de vieux arbres morts se décomposent sur place et les insectes s’en délectent, les promeneurs en sandales sentent les orties leur piquer les chevilles. Eh bien tout ça fait partie de la vie, les visiteurs et les enfants méritent de découvrir cette facette.

Les lisières des forêts ne sont jamais bien propres ni rectilignes : les ronces barrent les passages, de vieux arbres morts se décomposent sur place et les insectes s'en délectent, les promeneurs en sandales sentent les orties leur piquer les chevilles.

Quand on met en place un projet éducatif à travers une ferme pédagogique, les animaux de la faune sauvage devraient faire partie du projet pédagogique. Peut-être pas autant que les animaux de la ferme, je ne sais pas, mais au moins avoir une place. C’est-ce qu’on appelle parfois la « nature en ville ».

L’avantage dans tout cela, c’est que vous réduisez la sensation que le lieu est une boite hermétique. Vous atténuez la frontière. Mais bien sûr cela ne se fait pas n’importe comment et ce n’est pas toujours facile.

S’inspirer du zonage en permaculture

La méthode idéale, ce serait de s’inspirer du zonage en permaculture. Les permaculteurs parlent très souvent de la zone 5. La zone 0 étant la ferme, la zone 1 étant la zone très proche et plus on monte en chiffre, plus on s’éloigne des zones de passage les plus courants. La zone 5 est une zone laissée à la nature. On n’y apporte aucune modification, c’est notre zone « témoin », ou « d’observation ». Attention, je ne parle pas d’un espace interdit ! Vous pouvez tout à fait permettre la promenade et même y glisser un peu de pédagogie. Mais c’est le territoire de la nature.

Sur cette photo, la zone 5 pourrait être la partie boisée.
Sur cette photo, la zone 5 pourrait être la partie boisée.

Si vous avez l’espace pour imiter la permaculture, alors n’hésitez plus, il n’y a presque que des avantages. Ceci étant dit, les mètres carrés sont rares, j’en suis bien conscient. Mais ce n’est pas grave, car quand vous avez compris la logique, la philosophie, vous pouvez l’appliquer avec les moyens du bord.

Une simple zone que vous laissez pousser, sans la tondre, un lierre que vous laissez déborder, quelques orties en lisière. Ce sont de toutes petites victoires pour mère nature, que vous pouvez vous permettre de lui céder. Et si la zone 5 n’est pas sur votre terrain, mais derrière la fâcheuse clôture au-delà de laquelle vous ne pouvez rien faire, alors créez des zones d’observation, faites lever les yeux. Les panneaux pédagogiques peuvent inviter à s’intéresser à l’extérieur : les oiseaux sauvages, les hérissons, le ciel, les arbres. Il n’y a pas que des ânes et des cochons chez vous, j’en suis sûr.

Pour finir, je voudrais vous partager une expérience personnelle. Il y a quelques années je suis allé visiter une ferme pédagogique en Île de France, en pleine semaine. Déserte ! Personne pour m’accueillir ! J’ai mis 3 euros dans une tirelire à l’entrée et j’ai dû m’auto-guider. La moitié du jardin était en friche, des planches de culture étaient envahies par les pissenlits et des orties poussaient dans les allées. J’ai détesté, mais non pas parce que la nature reprenait ses droits. J’ai détesté parce que je voyais bien qu’il s’agissait de négligence, et non de pédagogie. Alors si vous créez des zones de réensauvagement, ce que je vous invite à faire, n’oubliez surtout pas d’éduquer autour de cela, d’expliquer, de sensibiliser et de donner envie de s’y intéresser. Sinon vous aurez fait tout ça pour de bonnes raisons, mais vos publics ne comprendront pas.

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Merci d’avoir lu cet article, et à bientôt !
Tristan FERREentrepreneur passionné
Fondateur des Entrepreneurs Animaliers

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