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C’est scientifique : vos visiteurs seront déçus de votre parcours de visite ! Sauf si…

L’été se termine doucement sur notre beau pays et vous en avez peut-être profité pour pratiquer ce qu’il est désormais commun d’appeler l’agritourisme (ou agrotourisme). Avec vos proches, vous décidez de visiter une ferme pédagogique ou un petit parc thématique. Ce n’est pas une visite désintéressée, puisque vous avez des projets plein la tête. A l’entrée, vous avez des envies de découverte, de surprise, d’authenticité. Vous espérez y voir de beaux animaux, la belle nature sous tous ses angles, ou encore vous immerger dans un métier ou un univers que vous ne connaissez pas. Sur le papier, le lieu qui vous accueille coche toutes les cases. Vous réglez un tarif tout à fait raisonnable comparativement avec les grands zoos, donc tout va bien.

Et pourtant, à la sortie, c’est un sentiment de déception ou d’inachevé qui vous ronge. « Tout ça pour ça ? ».

Grâce à mon métier, j’ai la chance de visiter (parfois incognito) de nombreux sites ouverts au public. Dans cette série de 5 articles, je vais vous partager les pièges que j’observe le plus souvent, et comment, en tant que porteur de projet, vous pouvez les éviter.

Comment l’effet Labyrinthe peut allonger la durée du parcours des visiteurs ?

Dans le précédent article, je vous ai longuement parlé de l’importance de la verticalité et du modelage en trois dimensions de votre « lieu nature », ferme pédagogique, parc naturel, parc animalier ou autre. Cette verticalité a un avantage majeur : elle attire le regard dans une infinité de zones et d’angles, et multiplie les découvertes possibles.

Aujourd’hui nous allons aller un peu plus loin concernant la perception des visiteurs sur leurs expériences de visite et de découverte. Et je voudrais particulièrement vous parler de « l’effet Labyrinthe ».

Imaginez que vous visitez une maison faite d’un long couloir central, composée de trois portes à droite, trois à gauche, chacune menant sur une seule pièce. D’un coup d’œil, même si vous ne savez pas exactement ce qu’il y a dans chaque pièce, vous savez à quoi vous attendre : « ok, il y a 6 pièces à visiter ».

Imaginez maintenant que vous visitez une maison pour laquelle les pièces sont en enfilade, et vous ne savez pas si la visite est terminée avant d’avoir découvert la dernière porte. Intuitivement, vous sentez bien que cette visite sera plus excitante. « Oh, il y a une quatrième pièce ! Ah non encore une autre ! ».

C’est ce que nous appellerons l’effet Labyrinthe. Il s’agit d’un art d’aménager l’espace de sorte qu’il créé des surprises successives, invisibles depuis l’étape précédente. Les visiteurs ne s’y attendent pas et vivent chaque étape comme une découverte, un peu comme une récompense. Et on le sait bien, les récompenses favorisent la production de dopamine : l’hormone du bien-être.

Labyrinthe

Délimiter des zones pour créer des ruptures dans le paysage et dans le parcours pour vos visiteurs.

Vous l’avez compris, l’important dans ce sujet est de ne pas donner une vue d’ensemble à votre visiteur dès l’entrée. Il doit aller de découverte en découverte et pour cela, mieux vaut s’y atteler dès la conception.

Si vous avez un terrain accidenté, profitez-en. Mais s’il est plat, vous pouvez

  • planter des haies (les bambous poussent très vite : attention ils peuvent aussi devenir envahissants) ou des panneaux occultants
  • créer un parcours tout sauf rectiligne (en zig-zag, en labyrinthe, en rosace par exemple)
  • à nouveau, jouer sur la verticalité et la profondeur
  • disposer vos espaces, bâtiments, zones d’animation, à des endroits différents

Les chemins peuvent se croiser si vous n’avez pas le choix. Plus le visiteur est amené à réfléchir sur son itinéraire, mieux c’est : il interprétera que le lieu est grand. 

Si vous avez des paysages changeants (bois, prairie, chemin), jouez sur ces zones pour leur donner une réelle identité. Les « culs-de-sac » sont vos alliés : plus vos visiteurs sont désorientés, plus ils profiteront de chaque espace, sans se précipiter au suivant. N’hésitez pas à les faire tourner les talons pendant leur balade. Le monde derrière eux est peut-être aussi beau que celui qui est devant.

Faut-il pour autant tout cloisonner ? Non, pas du tout ! Une belle clairière peut rester pure, grande et intacte, si le parcours prévoit des zones plus sinueuses en amont ou en aval. Jouer sur les contrastes de superficies améliorera la qualité perçue de l’expérience.

Pour aller plus loin : l’effet « trajet retour »

Faisons un bref détour par les sciences cognitives.

En 2011, trois groupes de chercheurs ont publié une étude (1) appelée « the return trip effect : pourquoi le trajet du retour nous parait souvent plus court que l’aller ».

Ces études démontrent qu’il y a bien un effet “trajet du retour”. Un pré-test montre que les gens vivent régulièrement le trajet du retour comme plus court que le voyage initial. Selon certaines études, cet effet diminuerait jusqu’à 22% la perception de la durée du trajet retour par rapport à l’aller.

Mais les résultats vont plus loin et affirment que cet effet n’est pas lié à une familiarité ou une accoutumance au trajet, car les résultats sont les mêmes si on prend un autre itinéraire au retour (de même durée réelle). En fait, ce « return trip effect » serait lié à ce que les chercheurs appellent une « violation des attentes ». Au départ, les participants partent de façon trop optimiste et vivent un aller plus long que ce qu’ils avaient imaginé. Le trajet retour est donc psychologiquement rectifié et paraitra ainsi plus court, a posteriori. Cette étude montre que c’est notre mémoire qui nous trompe et nous fait ressentir le temps différemment.

Dans notre cas, ce qui m’intéresse c’est la possibilité que le visiteur perçoive son parcours comme plus long que ce qu’il n’est vraiment. Le visiteur a payé son entrée et en veut pour son argent. Pour un billet à 3 euros, il s’attend à une visite de moins d’une heure ; pour un billet à 15 euros, il s’attend à y passer l’après-midi. Mais l’important n’est pas dans la durée réelle de son parcours, mais dans la perception qui en ressort. Or, si dès l’entrée, d’un seul coup d’œil, il bénéficie d’une vue panoramique et complète sur le parc, cela revient à « faire l’aller » avec ses yeux. Le visiteur risque alors de vivre sa visite comme un « retour », et l’effet « trajet retour » le frustrera a posteriori.

Sablier dont le sable s'écoule

Ralentir le parcours de visite et maximiser la découverte avec un aménagement intelligent.

Je vais vous partager un défaut professionnel qui me gâche souvent mes expériences de visite : je vois de la pédagogie partout. Je vous donne quelques exemples ?

A quoi sert un banc ? C’est vrai, il peut servir à se reposer. Mais il est aussi une invitation : « Asseyez-vous, et observez ce qu’il y a autour de vous ».

Les mégots de cigarette dans votre ferme, c’est une vraie plaie et vous avez beau mettre des pancartes, rien n’y fait ? Pourquoi ne pas faire disposer çà et là des cendrier faits maison composez de deux pots « vous êtes plutôt chien, jetez votre cigarette ici ; vous êtes plutôt chat, jetez-la là ».

Et parlons des toilettes ! Ce lieu qu’on a envie de cacher, pourquoi ne pas en faire un point de passage mémorable ? Avec une manière étrange de se laver les mains, avec une première découverte des toilettes sèches, avec une devinette sur la porte des toilettes ?

Vous avez un vieux chêne magnifique et malgré le panneau pédagogique, personne n’y prête attention ? Peignez quelques traces de pas au sol jusqu’à l’arbre, vous êtes sûr qu’il retrouvera tout son intérêt.

Je vous invite à partager ce même défaut avec moi. Plus vous intégrez la pédagogie dans le moindre élément de votre lieu, plus il sera une source de culture et de divertissement pour vos visiteurs. Utilisez tout ce qui est disponible pour en faire un objet d’émerveillement, d’observation, de découverte, d’information, ou de questionnement. On pourrait frôler le paysagisme, mais là ce n’est plus ma compétence.

Cassez les perspectives, surprenez vos visiteurs. Avec peu d’espace vous pouvez leur offrir une multitude d’expériences. La bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas une question de moyens, mais d’imagination !


[1] Niels van de Ven, Leon van Rijswijk & Michael M. Roy  – Psychonomic Bulletin & Review

Merci d’avoir lu cet article, et à bientôt !
Tristan FERRE, entrepreneur passionné
Fondateur des Entrepreneurs Animaliers.

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Cette publication a un commentaire

  1. Claire

    Merci ! Très intéressant !!!

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