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Une ferme pédagogique au cœur des quartiers populaires ?

Cette semaine je traite d’un sujet qui me tenait à cœur depuis longtemps : les enjeux et l’intérêt d’implanter une ferme pédagogique dans des quartiers populaires. Découvrez dans cet article mon échange avec Sophie Lamidey, coordinatrice de la ferme pédagogique urbaine de Pontoise (association Les Z’herbes Folles).

Découvrez aussi le récent épisode de notre podcast avec Sophie Lamidey

Une ferme… dans une cité, un quartier ou une banlieue ?

TF : D’abord, de quoi parle-t-on… Préfères-tu parler de cité, de quartier, de banlieue ? Qu’est-ce que cela évoque pour toi en tant que professionnelle, et selon toi, qu’est-ce que cela évoque / représente pour la population qui y vit ?

SL : Je parlerais en tout simplicité de ferme urbaine implantée dans un quartier populaire. Pour moi, les termes « cité » et « banlieue » renvoient à une image négative. Ce sont les mots utilisés dans les médias pour relater des faits divers souvent à la défaveur de ces lieux. Alors que pour le mot « quartier » non. Donc c’est ce dernier terme que j’utilise volontiers.

Installer une ferme pédagogique dans un quartier populaire pour changer le regard qu’on y porte

TF : Quels sont les enjeux, de ton point de vue d’animatrice pédagogique ? Pourquoi une ferme pédagogique dans un quartier populaire ?

SL : Installer une ferme en ville, c’est d’abord créer un espace vecteur de lien social. Quelque soit l’endroit où la ferme va être installée, elle va favoriser la rencontre des habitants du quartier, mais aussi de ceux de toute une ville, car tout le monde a envie de découvrir les animaux !

Une ferme implantée dans un quartier populaire favorise la mixité sociale, car on vient d’autres quartiers, d’autres villes, d’autres départements pour visiter le site et de ce fait découvrir un lieu et des habitants qu’on ne connait pas.

Ferme pédagogique dans les quartiers : en milieu urbain, il existe quand même un moyen de découvrir l'animal et la nature !
En milieu urbain, il existe quand même un moyen de découvrir l’animal et la nature !

TF : Et la ferme de Pontoise dans tout ça ?

SL : Dans le cadre de notre ferme, elle est implantée dans un quartier populaire. Pourtant peu d’habitants savaient à l’ouverture qu’à cet endroit précis de la ville nous étions encore dans ce quartier populaire. L’installation a permis de changer le regard sur le quartier, de le valoriser et d’insuffler une nouvelle dynamique.

Et puis, le quotidien à la ferme , c’est le reflet de notre vie et c’est l’école de la vie. On y apprend à appréhender ses peurs, à découvrir l’autre, à l’accepter, à le respecter. On côtoie la naissance, la mort, la maladie au travers des étapes de vie des animaux et cela fait écho à son propre développement.

En définitive, l’implantation d’une ferme urbaine dans un quartier populaire est un formidable outil pour aborder les notions de vivant, de respect et d’altruisme en s’appuyant sur l’animal et plus généralement la nature comme médiateur. Les professionnels de la ferme peuvent se saisir du quotidien pour accompagner et soutenir les familles de la ville.

L’animal et la nature comme médiateur pour aborder les notions de vivant, de respect et d’altruisme !

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TF : Est-ce qu’une ferme pédagogique urbaine est fondamentalement différente d’une ferme rurale ?

SL : Oui il y a une différence majeure pour moi ! Elle repose sur le cadre matériel du lieu : souvent, en ville, les espaces sont plus petits et la ferme ne ressemble pas forcément aux fermes traditionnelles, anciennes qu’on peut retrouver en milieu rural. On n’arrive pas dans un lieu chargé d’histoires, mais c’est à nous à les créer. D’autre part l’accessibilité est facilitée en milieu urbain. Souvent les transports en commun se trouvent à proximité, et le lieu a été pensé pour recevoir du public.

Ne vous y trompez pas, cette ferme pédagogique est bien en plein cœur d'un quartier populaire
Ne vous y trompez pas, cet endroit est bien en plein cœur d’un quartier populaire

TF : Quels publics reçois tu, et quelles relations crois tu que les habitants ont avec la ferme pédagogique ?

SL : Dans notre ferme d’animation urbaine, nous accueillons tous les publics. C’est d’ailleurs la clé de notre projet. Nous avons fait de ce lieu un espace de vie inclusif où la rencontre avec l’autre est possible, l’autre qu’il soit animal, végétal et aussi humain. Du nourrisson à la personne en perte d’autonomie, chacun peut s’épanouir au contact de l’animal.

Nous nous adaptons en fonction des spécificités de chacun. Les habitants du quartier sont très respectueux du lieu « ferme » et de ses habitants. En presque 8 ans d’existence, très peu de dégradations sont à constater. Le week-end alors que les visiteurs se promènent librement dans la ferme, nous sommes fiers de constater que les espaces et la propreté du lieu sont respectés.

Nous œuvrons au quotidien pour offrir à nos animaux un lieu qui réponde au mieux à leurs besoins naturels. Je pense sincèrement qu’offrir un espace propre, organisé, hébergeant des animaux en bonne santé, proches de l’homme favorise le respect et la bienveillance.

TF : Finalement, en favorisant la rencontre et en fédérant autour de la ferme, on créé une ambiance villageoise où tout le monde se respecte et prend soin des autres…

SL : Oui les habitants veillent sur la ferme. Il n’est pas rare que l’on nous contacte car la vache meugle « bizarrement » ou parce qu’une chèvre trop gourmande s’est coincée la tête dans le grillage. A chaque fois, il ne s’agit pas de nous mettre en défaut. Simplement les habitants surveillent « leurs » animaux et n’hésitent pas à intervenir via notre intermédiaire auprès d’eux si besoin.

Malgré la proximité du voisinage, nous n’avons jamais eu de plainte pour le bruit, ni l’odeur que peuvent engendrer la présence d’animaux de ferme. Bien au contraire, certains sont heureux de se réveiller le matin au chant du coq ou pendant la sieste quand l’âne décide de braire. Il n’est pas rare quand je croise les enfants du quartier de les entendre m’appeler « la dame de la Ferme » et non pas mon prénom qu’ils connaissent pourtant !

La ferme pédagogique est donc un lieu qui rassemble et dont on a envie de prendre soin du fait de la présence animale.

Quand la ferme pédagogique urbaine devient un acteur transversal du tissu social de la ville

Quand la ferme pédagogique du quartier participe à la vie de la commune
Quand la ferme pédagogique participe à la vie de la commune

TF : Quels sont selon toi les axes de collaboration entre la ferme pédagogique urbaine et les institutions locales ?

SL : La ferme pédagogique est un acteur à part entière du tissu social de la ville. En s’appuyant sur l’animal et le lieu « ferme » nous pouvons collaborer avec tous les acteurs de la commune. Il est important pour moi de préciser qu’une véritable relation de confiance existe entre la mairie de Pontoise et l’association « Les Z’Herbes Folles ».

Nous travaillons conjointement à la réussite du projet et nous nous sentons soutenus. C’est à mon sens, essentiel. Grâce à ce premier partenariat réussi, nous sommes maintenant soutenus par la communauté d’agglomération, le département et la région.

TF : J’imagine d’ailleurs que les relations ne se limitent pas qu’à la mairie et aux institutions politiques…

SL : Parfaitement, les collaborations sont à différents niveaux : > financier par l’obtention de subventions,
> pédagogique par la participation de la réflexion à la réalisation à certains projets environnementaux (éco pâturage, rucher et verger pédagogique),
> social en accueillant en stage de nombreux jeunes de la ville, en offrant la gratuité à tous les visiteurs le week-end,
> associatif en menant des actions conjointes avec d’autres associations pontoisiennes (exemple : peinture, musique),
> culturel en développant un partenariat avec la bibliothèque de quartier (les poneys à la bibliothèque, écriture d’un album de jeunesse)…

Notre action spécifique auprès de la petite enfance et du public fragilisé nous permet aussi d’être un acteur du secteur médico social du territoire.

TF : Je comprends que la Ferme de Pontoise fait partie d’une politique de la ville plus globale, comment peut-on mesurer les bienfaits et l’impact d’un tel projet sur la localité ?

SL : Je pense que l’on pourrait mesurer les bienfaits du projet aux sourires affichés par nos visiteurs, mais je ne suis pas sure que cela passe dans les dossiers !!!

L’impact du projet est le retour positif qu’a la mairie sur la ferme de la part des habitants. C’est également, nous l’avons dit, le respect du lieu en tant que tel : peu-pas de dégradation, pas de vol en 8 ans d’existence.

C’est le renouvellement des projets chaque année de la part des enseignants, des éducateurs, des professionnels de santé. C’est l’adhésion et l’enthousiasme des habitants à chaque nouveauté proposée par l’association (arrivée d’un animal, développement d’une nouvelle activité, aide à l’achat d’un matériel spécifique via une cagnotte…). Et c’est aussi un cahier de réservation rempli !!!

Donner du sens à un projet communal, et non répondre à un effet de mode…

TF : Si des élus s’intéressent à l’implantation d’une FP dans leur propre ville ou dans leur commune, quels conseils leur donnerais tu ? Quels objectifs pourraient-ils se fixer ?

SL : Le principal conseil est de s’entourer de personnes compétentes pour mener à bien le projet. N’oublions pas que dans ce type d’aventure, nous sommes garants du bien-être de l’animal et du bien-être des personnes accueillies. Si les personnes ressources n’existent pas au sein de la municipalité, il faut aller les chercher à l’extérieur.

Pour la gestion quotidienne de la structure, des professionnels du secteur animalier et des professionnels de l’animation et/ou du secteur médico-social seront garants de la réussite du projet.

Implanter une ferme n’est pas répondre à un effet de mode ou parce qu’il faut absolument « amener de la Nature » dans la ville. Il ne s’agit pas non plus de reproduire un exemple « qui marche ». Si ce choix est fait, c’est parce la création de la ferme pédagogique prend sens au sein du projet communal, que l’on a connaissance des bienfaits de la présence animale en milieu urbain et que l’on a envie de les mettre en application dans sa propre commune, en créant sa propre identité.

Ici on oublie les bruits de la ville, et on écoute le chant des canards, des oies, et de l'âne
Ici on oublie les bruits de la ville, et on écoute le chant des canards, des oies, et de l’âne

TF : Voilà qui devrait participer à convaincre de nombreux élus à envisager un tel projet dans leur commune ! Un grand merci Sophie pour ces témoignages. Pour finir, peux-tu nous dire quelles seraient les complications particulières et risques d’un tel projet, comparativement à une ferme pédagogique rurale ?

SL : En ville, les complications reposent sur le lieu d’implantation. Les nuisances de voisinage comme la gestion et l’évacuation du fumier sont à prendre en compte. Les espaces étant souvent plus petits, le surpâturage entraine des problèmes de parasitisme chez les animaux.

Le suivi sanitaire est essentiel. La promiscuité du lieu et la densité des visiteurs exigent une connaissance des risques liés aux zoonoses et la mise en place d’un protocole spécifique. En ville, il est aussi beaucoup plus difficile de trouver un vétérinaire sanitaire qui intervienne auprès des animaux dit « de rente » (de ferme, ndlr).

Merci à Sophie Lamidey pour ce témoignage exceptionnel, retrouvez l’aventure des Z’herbes folles sur leur page Facebook et sur leur site internet

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Tristan FERRE,
Consultant, coach et formateur, mais surtout entrepreneur passionné !
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