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Inspirer les générations futures avec Yves Contreras !

PARTIE 1 : Qui êtes-vous ?

Tristan Ferré : Bonjour Yves !

Yves Contreras : Bonjour Tristan !

Tristan Ferré : Alors, vous vous appelez Yves Contreras, vous vivez dans le pays de Gex, à deux pas de Genève. Yves si vous nous invitez chez vous, on prend son GPS et là, on tombe sur un centre de loisirs. Alors on se dit qu’on s’est trompé alors qu’en fait non, vous vivez vraiment dans un centre de vacances et pour cause vous en êtes le régisseur. Alors, accueillir des enfants, leur donner du bonheur, prendre soin d’eux, pour vous, c’est un métier. En fait, quand on vous connaît, on comprend que l’important pour vous, c’est les autres. Et surtout, le monde qui nous entoure. Engagé, mais pas politique, vous avez fait de l’écologie pratique et expérientiel un sacerdoce. Pour le dire plus simplement, vous préférez mettre les mains à la terre que de militer, vous préférez agir plutôt que de revendiquer et c’est tout ça qu’a émergé un projet, que dis-je, LE projet, votre projet « EARTH Garden-Parc », parc d’exposition, source d’inspiration et de vocation, vous le direz probablement mieux que moi. Alors Yves, est-ce que cette description vous convient ?

Yves Contreras : Oui, oui, parfaitement, c’est exactement ça.

Tristan Ferré : Eh bien c’est parfait, si vous n’avez rien à ajouter. J’ai quelques questions à vous poser. Alors d’abord, on a dit que vous étiez un régisseur. Pour moi un régisseur, moi qui ai fait allemand LV1, c’est un metteur en scène. Qu’est-ce que ça veut dire en français un « régisseur » ?

Yves Contreras : En fait le régisseur lui a pour missions de gérer et de mettre en conformité un ERP. Alors, un ERP, c’est un établissement qui reçoit du public. En fait, la régie, c’est vraiment le travail de l’ombre. L’avantage c’est qu’on ne risque pas de prendre un coup de soleil. Mon quotidien, c’est la coordination de toutes les interactions extérieures qui permettront le bon fonctionnement de la régie. Je vais accueillir les professionnels qui vont gérer tout ce qui est les systèmes de sécurité, SSI, extincteurs. La responsabilité du régisseur, c’est aussi l’entretien des locaux : changer les ampoules, etc. C’est aussi d’entretenir les espaces verts, de les gérer. Enfin, la mission principale du régisseur c’est l’accueil du public dans les meilleures conditions. C’est vrai qu’il y a une interaction entre le public et le régisseur qui va se mettre en place. En fait, le régisseur va plus ou moins se transformer en concierge et en fait il va faire en sorte que le public puisse avoir tout ce qu’il a besoin pour pouvoir accomplir ce pourquoi il est venu, notamment les enfants : ils vont avoir besoin de ciseaux, colle, papier, que sais-je, pour pouvoir vraiment s’éclater dans leurs vacances. Il se trouve que j’ai proposé à ma direction depuis quelques années des ateliers pédagogiques éducatifs sur le jardinage. Étant moi-même un peu permaculteur, j’utilise en fait la biomasse et du sang pour constituer des jardins, et avec les enfants, on va vraiment interagir ensemble grâce à ces fameux ateliers. Ils vont l’entretenir tout au long du séjour, ils vont participer à l’arrosage, ils vont planter, ils vont semer, ils vont récolter. Tout ça provoque une émulation qui est très très intéressante.

Tristan Ferré : Alors, justement, j’en viens à ça puisque quand j’ai commencé certains, qui nous écoutent ont dû se dire « mais quel rapport entre les Escapades Animalières et un régisseur ? ». Si je vous ai invité, c’est parce que vous avez un lien avec les Escapades Animalières. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu de votre relation avec le monde animal et mon petit doigt me dit, je me trompe peut-être, que pour vous c’est plus l’âne, l’abeille et le ver de terre qui vous intéressent plutôt que le chien et le chat.

Yves Contreras : En fait, on n’a pas deux cœurs : pour les animaux et un pour les humains. On en a un ou on n’en a pas. Il me semble que c’était Lamartine ou Jean De La Fontaine qui avait dit ça, je ne m’en rappelle plus trop. En fait, c’est vrai que j’ai une relation particulière avec le monde vivant en général, et l’humain est la valeur centrale. Les animaux participent largement à notre bonheur et notre épanouissement.

Tristan Ferré : D’accord, justement on reviendra sur cette idée un petit peu après. Si je reviens cette notion du ver de terre parce que vous êtes quand même très attachés à la notion de seul vivant. Ça vient d’où cet intérêt ?

Yves Contreras : En fait, je fais une distinction entre les animaux de compagnie qui eux ont un amour indéfectible à nous donner et inconditionnel, que j’aime beaucoup d’ailleurs, et ceux qui favorisent la vie, la biodiversité, qui contribuent à la pollinisation, à la macrofaune du sol, car je suis fasciné par leur travail exceptionnel. L’avantage qu’ils ont par rapport à nous : ils ne sont pas syndiqués, et ils ont aucune revendication, et ils passent leurs temps à bosser pour favoriser la vie.

Tristan Ferré : D’accord, c’est exactement ça, c’est vrai que j’ai choisi un emblème qu’est le lombric, mais ça se ressent dans les travaux, et dans les projets que vous menez régulièrement. Alors, j’ai entendu parler d’un certain « Pitchoune Parc ». Qu’est-ce que c’est, ou plutôt qu’est-ce que c’était ? Pourquoi vous aviez lancé ce projet ? Pourquoi aujourd’hui ce projet n’est plus ?

Yves Contreras : Alors là en fait, c’est tout à fait différent. À la base, c’était un parc ludique qui voulait mettre en avant son aspect écologiquement responsable de son propre fonctionnement, avec cinq énergies renouvelables, mais en fait, ils voulaient aller au-delà en expliquant pourquoi ce choix d’énergie et comment cela marche, par des ateliers pédagogiques. Donc en fait moi j’allais être transformé en professeur foldingue et on allait proposer aux enfants beaucoup d’expérience, etc. pour leur expliquer un petit peu ces énergies renouvelables. À cette époque-là, on était sur un terrain qui ne nous appartenait pas, et forcément un jour ou l’autre les contrats s’arrêtent. C’est très très difficile en fait de continuer dans cette voie. D’où l’intérêt d’essayer de trouver un terrain qui nous appartient, pour pouvoir s’exprimer.

Tristan Ferré : C’est ce qui a fait que le projet n’a pas pu continuer ?

Yves Contreras : Voilà tout simplement.

Tristan Ferré : D’accord. Alors, Yves j’ai été marqué par la passion que vous avez pour la vie du sol. D’où vient cet intérêt et comment ça se concrétise cette passion ?

Yves Contreras : C’est une très très bonne question et là, il faut prendre un petit peu de recul et on va imaginer qu’on vole dans l’espace et qu’on regarde notre planète d’en haut. On se rend compte qu’en fait, il y a énormément d’eau et je crois que le rapport c’est à peu près 70 %, je ne suis pas sûr. Quand on regarde notre planète, qui est pleine d’eau, qui est omniprésente n’est-ce pas, et pourtant à la réflexion, on ne l’appelle pas la Planète Mer, M-E-R, non, on l’appelle la Planète Terre. Pourquoi ? Parce qu’en fait l’homme, intrinsèquement, est issu de la terre : homme, humus, humilité. Moi, j’ai une relation qui est très difficilement explicable avec elle. Alors « elle », je l’appelle Gaya. Et c’est quelque part, je l’espère ma meilleure amie. L’agrologie, c’est l’étude de la science du sol. Avec ses micro-organismes, sa macrofaune, ses microfaunes, les champignons, les mycéliums, les bactéries. Et tout ce petit microcosme forme un milieu organo-minéral. Ce sont des échanges physico-chimiques avec des attaches électriques fragiles. Et toute cette usine à gaz a pour objectif d’arriver à un bon équilibre argiloïde, un équilibre carboneuse, un équilibre acido-basique.

Tristan Ferré : Yves si vous le voulez bien, on va voir faire une petite pause, une petite pause de respiration. Je vous ai laissé une carte blanche. Vous avez la possibilité dans le podcast des Escapades Animalières de nous lire un passage, un livre, une citation, tout ce que vous avez envie de nous partager, qui vous inspire. Qu’est-ce que vous avez choisi ?

Yves Contreras : En fait là pour le coup, c’est un petit peu la ligne rouge, le fil conducteur qu’on suit depuis un petit moment. Donc en fait je vais vous lire une citation que nous avons mis en place : « Il vient un temps où protester ne suffit plus. Après la philosophie, il faut agir. Car la plus petite des actions vaudra toujours plus que la plus grande des intentions. Il est le plus souvent préférable de regretter d’avoir accompli une action plutôt que de regretter et de ne pas l’avoir entreprise ». Et en fait, c’est véritablement le fondement du projet EARTH Garden-Parc.

Tristan Ferré : On va justement parler un plus longuement de EARTH Garden-Parc. J’aime beaucoup cette notion de « Il vaut mieux avoir des regrets que des remords, passer à l’action, tenter des choses, au pire ça ne marche pas ». Et puis moi, j’ai une autre citation, elle est un peu moins philosophique c’était un certain Jean-Claude Duss : « oublie que tu n’as aucune chance, on ne sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher ! ».

Yves Contreras : C’est clair.

Tristan Ferré : Allez, on passe à la troisième partie, on a une logique quand même très entrepreneuriale dans ce cadre les Escapades Animalières et puis, au quotidien c’est aussi mon but, mon métier d’accompagner des porteurs de projet, et quel projet ! EARTH Garden-Parc pour ceux qui rebutent sur mon bel accent anglais, « earth », la planète. D’abord, si je devais vous demander de l’expliquer simplement, l’expliquer par exemple à un enfant comment vous feriez ?

Yves Contreras : En fait, EARTH Garden-Parc c’est une boite en bois multicolore et multi-essence. On l’ouvre et on trouve un magnifique puzzle tout en couleur. Chaque pièce de ce puzzle c’est tantôt un atelier pédagogique sur le thème de la vie, tantôt un chantier participatif : plantation, jardinage, tantôt un jeu ludique sous forme de jeux de piste, qui va permettre à l’enfant de connaître un peu plus sur la vie, sur les arbres, sur les plantes, etc. avec des noms. Tantôt un atelier de bricolage où on va construire des hôtels à insectes, des nichoirs pour oiseaux, etc. Et en fait, ce cheminement va permettre l’agencement de ce puzzle et une image claire va apparaître, qui va permettre à l’enfant de la construction de sa relation à la vie du sol et à toutes ses interactions. Voilà un petit peu en résumé ce que pourrait être l’explication à un enfant.

Tristan Ferré : On est donc sur un projet purement d’éducation à l’environnement, mais si je peux me permettre de compléter, j’ai l’impression que le projet EARTH Garden-Parc va encore plus loin que ça puisqu’il a aussi une logique de production qui s’adresse aussi aux adultes.

Yves Contreras : EARTH Garden-Parc va proposer une trame. Il va proposer un canva et les adultes, les professionnels auront la possibilité d’y mettre de la couleur et du relief. Donc on va créer un microcosme qui va permettre aux professionnels de venir s’épanouir dans le parc et eux auront la mission de transmettre leur passion parce que ce sont des gens passionnés et passionnants. C’est un petit peu l’objectif ultime de EARTH Garden-Parc.

Tristan Ferré : On est complètement à l’opposé de la critique, on est vraiment dans une logique d’inspirer. D’ailleurs je crois que dans votre slogan c’est marqué « Susciter des vocations » et puis le parc, parce que je connais bien le projet va proposer de la production, de la vraie production alimentaire, des ruches, de l’accueil pédagogique et justement c’est un projet qui n’a pas un modèle économique, mais des modèles économiques.

Yves Contreras : C’est ça. En fait l’objectif sur trois ans, c’est d’y instaurer neuf modèles économiques en tout. Alors la première année, on propose un maraîchage sur sol vivant sur 10 000 mètres carrés, « The Garden of my Earth ». Le deuxième modèle économique ce serait une micro ferme pédagogique où on va pouvoir accueillir les enfants, les classes vertes, les colonies de vacances, et il va s’appeler « Zoo Terre Happy ». Le troisième, c’est de l’apiculture et l’idée c’est de mettre une centaine de ruches dans tout le parc, et dont cinq modèles pédagogiques, et là, ça va s’appeler « Bee Happy Culture ». La deuxième année, on va proposer un ERP, où on va proposer aux entreprises de venir faire leurs conférences, leurs colloques, leurs réunions, leurs séminaires, et ça s’appellera « Space Booking Meeting ». Le cinquième, c’est un centre de formations. Le sixième, c’est un bureau d’études de développement. Le septième, une vingtaine de gîtes vont être disséminées dans le parc dont cinq cabanes dans les arbres. Le huitième va être équipé d’espace du pique-nique avec des jeux ludiques pour les enfants : « Wood Happy’tchoun ». Le dernier, le neuvième ce sera un restaurant qui va mettre en valeur les produits de production du parc et il s’appellera « Lunch Happy ».

Tristan Ferré : Beaucoup de consonances anglaises pour ce projet qui s’appelle EARTH Garden-Parc, mais ça permettra aussi de parler à plusieurs publics. C’est un projet qui est assez moderne et en même temps un assemblage de traditions. Il y a beaucoup de choses dans ce projet, qui personnellement me touchent. Dans notre jargon d’entrepreneurs, on appelle ça un « tiers-lieu », un endroit dans lequel plusieurs projets cohabitent puisque EARTH Garden-Parc c’est une association avant tout, dont l’objectif n’est pas d’exploiter les neuf modèles économiques dont vous parlez, mais c’est de proposer à tout un tas de professionnels de venir s’installer, de s’implanter et de vivre en collaboration, en cohabitation, en harmonie avec d’autres porteurs de projets. Ce n’est pas un projet facile. Qu’est-ce qui fait vous arrivez à rester optimiste ?

Yves Contreras : C’est vrai que c’est un projet qui est extrêmement difficile parce qu’en fait, en tant qu’entrepreneur, le plus difficile c’est de transmettre la vision objective et réaliste de son projet et tout l’enjeu est là. Il faut se battre en permanence. Moi, je suis quand même optimiste, je suis déterminé et je suis très enthousiaste et motivé pour poursuivre dans cette voie car j’ai pris la mesure de ma responsabilité et mes engagements qui en découlent. J’ai qu’une ligne directive, c’est continuer, continuer, continuer, jusqu’à ce que la providence ou éventuellement des donateurs, des mécènes, des parrains puissent dire « Écoutez, moi je soutiens ce projet-là. J’ai envie qu’on aille jusqu’au bout » et du coup de se donner une chance de pouvoir mettre en place effectivement toutes ces valeurs qui sont liées à l’agroécologie.

Tristan Ferré : Il faut dire que c’est vrai que les différents modèles économiques quand on les cumule, l’activité est complètement viable. Ce qu’il manque c’est un pot de départ, un fond de départ pour pouvoir acquérir un lieu dans lequel l’activité pourra s’épanouir, ce n’est pas chose facile le jeu, j’en conviens. Vous avez souligné quelque chose que je répète souvent, vous avez parlé de providence. La chance, ce n’est pas un jeu de hasard, ça se provoque. Donc, plus on toque à des portes, plus on a de chance qu’une de ces portes-là s’ouvre. Et si vous n’ouvrez pas de porte, si vous ne toquez pas aux portes, vous êtes sûr qu’aucune ne s’ouvrira. Il faut continuer, il faut absolument continuer et rien n’est jamais perdu. Qu’est-ce qui vous manque aujourd’hui Yves pour y arriver ?

Yves Contreras : En France, on a des idées, mais on n’a pas de pétrole. Donc, il faut que je trouve le pétrole. C’est ça qui nous manque en définitif. Dès qu’on arrivera à trouver le financement, là, c’est parti.

Tristan Ferré : On arrive à la fin de ce podcast, mais pour ceux qui nous écoutent au bon moment, il y aura toujours autre chose à faire si vous nous écoutez plus tard, mais en ce moment, vous répondez à un appel à projet je crois que vous avez besoin d’un petit coup de main ?

Yves Contreras : On a été sélectionné par la plateforme Aviva pour éventuellement recevoir un prix, mais ça dépendra des votes des auditeurs et des personnes qui ont une sensibilité à l’environnement et qui pensent que ce projet pourrait éventuellement répondre à certaines des valeurs que les uns et les autres se posent. Si les uns et les autres peuvent aller voter en notre faveur, ce serait super sympa, voilà tout simplement.

Tristan Ferré : Écoutez, le message est passé, on mettra lien de l’appel à projets vers la Fabrique Aviva sous le podcast, en description pour ceux qui veulent aller voter. Alors évidemment, en fonction du moment où vous écoutez l’émission, ce sera peut-être terminé, et si c’est terminé, vous pouvez au moins aller sur la page Facebook de l’association EARTH Garden-Parc pour aller les soutenir, leur envoyer un petit like ou vous abonner à leur chaîne. Yves, j’ai été ravi de pouvoir échanger avec vous pendant cette émission. Je le rappelle, on parle d’animaux, c’est une émission qui est fondamentalement passionnée par le monde animal, mais j’avais envie de prendre un peu de hauteur parce que ce qui est intéressant dans votre projet, c’est qu’en fait vous êtes une association qui souhaite laisser sa chance à d’autres porteurs de projet, notamment la micro ferme pédagogique et c’est comme ça qu’on s’est connu Yves, notamment sur cette idée que vous aviez un projet d’accueillir une ferme pédagogique dans un lieu et c’est quelque chose que je défends complètement et c’est pour ça que je voulais absolument qu’on ait la possibilité d’échanger pendant cette émission. Merci Yves, et à très bientôt !

Yves Contreras : Merci !

Vous pouvez écouter cette retranscription écrite du podcast des Escapades Animalières sur ce lien -> -> J’écoute le podcast des Escapades Animalières

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