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De mère en fille, transmission d’une ferme familiale

PARTIE 1 : Qui êtes-vous ?

Tristan Ferré : Ils s’appellent Nelly, Patrice et Bettina Stoquert et s’ils portent tous le même nom, c’est que leur ferme La Charmotte est une vraie histoire de famille. La Charmotte, c’est trente hectares de liberté et de bonheur au cœur du Piémont Vosgien. Fermez les yeux et pensez aux mots « ferme auberge », ce que vous voyez ressemble probablement à La Charmotte. Pendant que Patrice fait du maraîchage avec son baudet, Nelly s’occupe de ses visiteurs d’un jour ou deux, venus pour se ressourcer. Peut-être viennent-ils aussi pour voir les animaux : mouton, volaille, âne, cheval, abeille et escargot, car à La Charmotte, les animaux et les plantes, ils connaissent bien. Et puis il y a le dynamisme et la jeunesse de Bettina. Bettina, c’est la reine des plantes comestibles et c’est surtout une passionnée du spectacle équestre. Alors entre une ferme pédagogique plutôt traditionnelle, apaisante et rassurante de Nelly, les bons produits de Patrice et le virage moderne de Bettina, on se dit qu’il y a une belle histoire à raconter. Alors Nelly et Bettina est-ce que cette description vous convient ?

Nelly Stoquert : Oui, c’est assez fidèle à l’état d’esprit de ce qu’il se passe chez nous.

Tristan Ferré : Nelly, est-ce que vous pouvez nous dire un petit peu quel est le lien que vous entretenez avec le monde animal et quelles places les animaux prennent dans votre vie ?

Nelly Stoquert : Les animaux, c’est le cœur de notre ferme. C’est un monde qui pour nous, est source de plein de bonheur, on a noué plein de liens avec les animaux de la ferme.

Tristan Ferré : Est-ce que vous pouvez nous dire quel parcours vous avez eu pour en arriver là justement ?

Nelly Stoquert : On a un sacré parcours alors complètement atypique. Notre aventure a commencé quand on s’est rencontré avec Patrice. Donc on n’est pas du tout du milieu agricole, on est ce qu’on appelle des hors cadres familiaux. Alors moi j’ai été infirmière et Patrice était boulanger-pâtissier et on avait des horaires de travail qui étaient complètement incompatibles avec notre vie de famille. On s’est posé la question de ce qu’on allait faire et Patrice m’a dit qu’il avait toujours rêvé d’être paysan alors je lui dis : « Chiche, on y va ». Et c’est comme ça qu’a commencé notre aventure. On a acheté La Charmotte, c’était une bâtisse qui était complètement délabrée. Ça a été nos premiers gros des travaux en 1992. Il a refait une formation agricole et il s’est spécialisé en élevage de lapins et volailles. On a continué les travaux, mais on s’est retrouvé confrontés avec un problème de foncier, on n’a pas réussi à avoir de terres tout au début, il fallait aussi qu’on commence à travailler on a fait un petit peu un chemin envers les eaux, on est parti de l’assiette à la terre c’est-à-dire qu’en 93, on a créé une auberge qui n’existait pas. On a créé ensuite en 95 des chambres d’hôtes. On a eu la chance d’avoir des terres en 2005, et en 2005, on s’est installé en ferme et pareil, la ferme n’existait pas, on l’a créé de toutes pièces. En 2015, on a créé une ferme de découverte qui nous permettait déjà de fédérer tout ce qu’on avait fait. Moi, j’ai rejoint Patrice en 2008, quelques années après qu’il ait créé sa ferme. J’ai laissé mon travail, mais moi, j’avais déjà changé de métier entre-temps, puisque d’infirmière, j’avais fait une formation de psychologue. Donc, j’ai laissé mon travail de psychologue pour venir faire un travail de paysanne. J’ai dû apprendre un troisième métier qui était celui de m’occuper des animaux. C’est un peu grosso modo notre parcours.

Tristan Ferré : Aujourd’hui qu’est-ce que vous proposez concrètement à La Charmotte ?

Nelly Stoquert : Alors, à La Charmotte, nous accueillons en ferme-auberge, donc en gîte, en chambres d’hôtes et en ferme découverte.

Tristan Ferré : Et sur la ferme découverte, vous pouvez nous en dire un petit peu plus ?

Nelly Stoquert : La ferme découverte, c’est un concept de « Bienvenue à la Ferme » quand on s’est inscrit dans ce concept, on était la première ferme, donc on l’a modulé à notre façon. La ferme de découverte, c’est une manière de dire aussi que chez nous, il y a plusieurs types d’accueils qui vont de la table, à la production, aux animations maintenant avec la conversion qu’on a faite, avec de l’accueil. Tout ça se fait autour de nos animaux, de nos élevages et notre pratique qui est agroécologique principalement.

Tristan Ferré : Alors ma question cette fois-ci s’adresse à Bettina. Bettina, vous avez grandi à La Charmotte. Qu’est-ce que ça fait de grandir à La Charmotte ?

Bettina Stoquert : Ça signifie que l’on grandit avec des animaux, que ce soit poules, lapins, canards, etc. Tout au long de son enfance, on est bercé par ce rythme de vie et ça en devient passionnant.

Tristan Ferré : Et je crois que vous, vous avez noué une passion, plus particulièrement pour le monde du cheval ?

Bettina Stoquert : Alors oui, ça a commencé toute petite quand ma maman m’emmenait au centre équestre à quelques kilomètres de la maison, parce que la maison est dans la ferme. Cette passion s’est vraiment prolongée avec le fait qu’on avait des ânes, des grands noirs du Berry et qu’on ait commencé à contribuer à la sauvegarde de cette espèce.

Tristan Ferré : Et aujourd’hui, vous avez fait une école équestre ?

Bettina Stoquert : C’est ça, j’ai passé un bac pro « conduite et gestion de l’entreprise hippique » et ne voulant pas rester dans le train-train d’une monitrice équestre, ou ne me voyant pas du tout dans l’élevage, je me suis clairement réorientée dans les spectacles, et j’ai effectué une formation en arts et spectacles équestres, spécialisée dans la voltige cosaque.

Tristan Ferré : Et vous en êtes où aujourd’hui dans cet apprentissage ?

Bettina Stoquert : Aujourd’hui, ma formation est finie, elle s’est finie en mars, mais à cause de la période Covid, je n’ai pas pu aller chercher un travail, enfin, trouver un travail dans ce que je voulais faire parce que toutes les portes sont fermées à cause de la pandémie.

Tristan Ferré : Ok, d’où l’intérêt effectivement peut être de travailler à La Charmotte sur cette période si particulière.

Tristan Ferré : Alors c’est parti pour notre petite parenthèse « Enchanté ». Nelly et Bettina, c’est à vous.

Nelly Stoquert :« Dans ce paisible village vosgien
Où au coup d’œil rien ne dénote
Détrompez vous regardez bien
Elle vous tend les bras, c’est « La Charmotte.

Canards,dindes, oies, même escargots
Se prélassent autour de la mare
C’est l’paradis des animaux
Mais faut se méfier du renard !

Huriel, Prunelle les jolies ânesses
Sur leur dos vous promèneront
Voir l’oseraie, les cochons en liesse
Bref un grand moment d’évasion.

Patrice le roi de la popotte
Jongle avec ses bons produits
Avec amour il les mijote
Et gentillesse vous sont servis.

Il y a toujours ambiance à table
Nelly la psy Dieu qu’elle papote
Aux petits soins toujours affable
Ici les rois ce sont les hôtes.

Et oui c’est « accueil paysan »
Vous n’êtes pas près de l’oublier
Et encore pendant très longtemps
Leurs trois filles vont s’y atteler. »

Bettina Stoquert : C’est un poème de Bubune qui était stagiaire qu’on a eu à La Charmotte qui est un poète et qui vient d’ailleurs d’éditer son cinquième recueil de poésies, je lui fais un petit clin d’œil en passant.

Tristan Ferré : Merci Nelly, merci Bettina.

Tristan Ferré : Alors on passe à la troisième partie et on va parler de passage de flambeau puisque c’est une affaire de famille. Nelly, comment s’est prise cette décision de transmission à votre fille ?

Nelly Stoquert : La période Covid a fait que Bettina a fini sa formation et donc, elle est rentrée à la maison. Elle m’a laissé un peu désolée de ne pas pouvoir postuler pour des spectacles équestres puisque tout le monde du spectacle équestre est encore en arrêt aujourd’hui. Il se trouvait que nous en période de Covid aussi, on était bloqués, on ne pouvait plus faire d’accueil et je me suis dit, que j’allais essayer de voir comment on pouvait sortir de cette impasse. On a eu une proposition par les Entrepreneurs Animaliers d’une formation dans laquelle je me suis inscrite et Bettina m’a accompagnée. Je recherchais au départ des techniques d’animation pour la ferme pédagogique, et en fin de compte, cette formation s’est avérée être une formation extrêmement complète plutôt un business plan qui était adapté avec les activités de la ferme. Dans un premier temps, avec Bettina, on a fait des thématiques communes avec les groupes et quand on est arrivées à la rédaction du mémoire, elle avait ses idées et moi j’avais mes idées et finalement, on a rédigé chacune un mémoire séparé et c’est là que Bettina a commencé à devenir la partenaire de la ferme, et cet été, on a pu retravailler un petit peu et on a fait une animation conjointe qui était inspirée de ce travail qu’on a fait en formation auprès des ânes et des moutons. On a fédéré nos trois savoir-faire et nos trois répartitions de travail puisque d’un seul coup s’est dessiné pour nous une répartition de rôle à La Charmotte qui n’avait jamais eu lieu. C’est-à-dire que Patrice est resté du côté de la production et de la transformation puisque c’est lui qui est le cuisinier à la ferme-auberge, moi je me suis retrouvée à reprendre tout ce qui été animation et accueil et Bettina a pris dans sa spécialité qui était plutôt l’approche du côté équin, tout ce qui était particularité, tout ce qui était sensibilité particulière qu’on peut avoir entre un artiste et un animal. Ça a fonctionné comme ça cet été et comme ça lui plaisait, on a entamé sans le savoir une transmission père-fille puisque l’entreprise est au nom de Patrice, moi je suis collaboratrice. À partir de là, on a commencé à regarder comment elle pouvait avoir un deuxième pas dans cette entreprise. Le deuxième pas, ça a été pour nous de l’inscrire comme aide familiale à la ferme, ce qui lui permet de faire autant d’animations que de production, que de transformation, d’ateliers, etc. Elle a eu un statut officiel à la ferme, un statut qui est de 5 ans, qui lui permet de peaufiner tous ses projets. Comme elle a le bac de conduite et gestion de l’entreprise hippique et formation par ailleurs équestre, elle peut devenir sans problème chef d’exploitation. Alors, nous, on ne va pas finir tout seul, enfin, finir comme ça, parce que Patrice n’a pas encore l’âge de la retraite mais, une partie de la ferme, de ce qu’elle veut reprendre, lui sera cédée, nous, pour l’instant, on va garder la partie ferme-auberge pour Patrice, des productions aux ventes, et moi, je vais développer tout ce que ces chambres d’hôtes ou du moins gîte thématique puisque par la suite, quand Patrice sera en retraite, je pense qu’on va garder cette activité agricole et de loisirs, parce que les retraites d’agriculteurs ne sont pas des grosses retraites. On veut rester un pied sur la ferme pour donner encore un coup de main à Bettina pour qu’elle puisse s’organiser. Nous, on est passé par là, c’est extrêmement chronophage, c’est beaucoup d’énergie de créer une entreprise, parce qu’elle va prendre une succession, mais elle va aussi créer sa propre entreprise, c’est aussi beaucoup de travail donc si on peut l’alléger un peu, on s’en fera un plaisir.

Tristan Ferré : Alors justement, questions pour Bettina :  quel challenge est-ce que vous avez envie de relever ? Quel est le visage que vous avez envie de donner à la Charmotte version Bettina ?

Bettina Stoquert : Déjà redynamiser la structure dans le sens où c’est vrai qu’on propose énormément d’activités, mais on est très peu et justement, le fait d’en proposer autant, ça nous disperse. Je pense que ce serait pas mal de sélectionner ce qui pourrait vraiment bien marcher et travailler là-dessus et optimiser du coup…

Tristan Ferré : L’organisation ?

Bettina Stoquert : L’organisation, oui aussi ! En fait au début, après ma formation, c’était vraiment un pied-à-terre, c’est-à-dire que je revenais la maison pour loger mon cheval et me loger moi pendant la saison creuse artistique et pour pouvoir retravailler des projets. Il y avait cette idée de reconstruire un travail pour moi, mais sans pour autant rester dans la ferme, sans m’investir vraiment dedans. Au final, avec la période COVID, le fait qu’il n’est pas pour moi d’opportunité de contrat en extérieur, ça m’a fait complètement reréfléchir à mon projet professionnel et de fil en aiguille, c’est passé d’un simple espace de travail, de passage, dans lequel je me posais pour travailler, à vraiment mon lieu avec mes parents, enfin le lieu de mes parents et moi et tout un espace aménagé pour moi, pour vraiment m’installer.

Tristan Ferré : Et on est passé finalement d’une roue de secours à un vrai projet de vie.

Bettina Stoquert : C’est tout à fait ça.

Tristan Ferré : Super. Alors du coup dernière question : quelles sont les prochaines étapes ? Qu’est-ce que vous avez envie de mettre en place tous les trois pour le projet de La Charmotte ?

Nelly Stoquert : Par rapport au projet, au niveau de Patrice, il va se recentrer sur des repas thématiques et sur des transformations de produits principalement. Il va continuer la production et la transformation, ce qu’il a toujours fait. Moi, je vais plutôt me réorienter sur des thématiques. Je viens de décrocher un contrat avec une agence, une association qui travaille sur les séjours adaptés, je commence la semaine prochaine. J’ai aussi une autre demande d’une institution pour des hébergements en week-end, avec des ateliers, ce sont des week-ends à thématiques, je vais développer ça. Je vais essayer de satisfaire une autre demande, qui s’adresse plus, toujours thématique, à des familles, principalement des grands-parents qui viennent avec des petits-enfants et des couples qui viennent avec des enfants en très bas âges. Puisque tous ces outils seront en place, je pourrais proposer un accueil à des personnes qui souffrent de surmenage au travail. Ça, c’est un projet que j’ai depuis très longtemps et je pense que dans un temps un peu plus lointain, j’arriverai à le mettre en place. Je vais partir sur des accueils à thématique à la ferme et Patrice sur des accueils thématiques au niveau des repas, au niveau de la ferme-auberge.

Tristan Ferré : Ça me plaît beaucoup d’entendre ça parce que ce que j’entends ce que vous dites Nelly, dans le passage d’une transmission, un passage de flambeau ce n’est pas forcément le fait d’arrêter et de raccrocher, mais c’est le fait d’avoir du temps pour faire ce qu’on avait toujours envie de faire et de pouvoir se répartir les tâches comme le disait Bettina. C’est finalement très heureux comme transition. Bettina qu’est-ce que vous prévoyez vous dans les prochaines étapes ?

Bettina Stoquert : Dans un premier temps, c’est de mettre en place un espace vente pour les produits de la ferme, notamment les transformations de produits de mon père et aussi les miennes, car je me suis lancé dans les confitures et autres transformations il y a peu.  Et, ce serait aussi revaloriser ces produits autrement que sur la table et les mettre vraiment en valeur plutôt visuellement, quand on rentre, ou pour les personnes de passage et non plus seulement pour les personnes en séjour. Ensuite, aussi me lancer dans l’apiculture, c’est aussi un projet qui me tient vraiment à cœur, faire le miel. Du coup, ça rejoint aussi l’espace vente. Mais, le gros projet, c’est d’instaurer un pôle le spectacle au sein de la ferme, qui pourrait relier ma passion des animaux et celle du spectacle ou je pourrais faire mes propres spectacles et avec mes animaux : âne, cheval, mais par exemple aussi poules ou moutons c’est aussi en cours de projet. Surtout, rallier aussi tous les artistes en tous genres du coin, qu’ils soient musiciens, jongleurs, acrobates, où conteurs de contes et légendes, pour moi ce serait le top.

Tristan Ferré : On lance un appel à tous ceux qui ne sont pas très loin de La Charmotte et qui veulent rejoindre votre aventure, ce serait absolument formidable et j’espère que vous allez réussir dans vos projets. Nelly, Bettina, est-ce que vous avez un dernier mot à dire, à nos auditeurs ? 

Nelly Stoquert : Que la vie est pleine d’imprévus. Je pense que cette histoire de Covid, d’être confinés, je pense qu’on a pu faire quelque chose d’extrêmement créatif et on a réussi à pouvoir se projeter dans l’avenir et je pense que c’est important de pouvoir créer, et de pouvoir continuer à pouvoir être vivants. Bettina reprend le flambeau, on est complètement heureux parce qu’on a quand même beaucoup travaillé dans ce lieu, c’est aussi notre lieu de vie. C’est toujours plus agréable de transmettre à quelqu’un qu’on connaît et qu’on aime qu’à un inconnu.

Tristan Ferré : Merci Nelly, merci Bettina !

Nelly Stoquert : Merci !

Bettina Stoquert : Merci !

Vous pouvez écouter cette retranscription écrite du podcast des Escapades Animalières sur ce lien -> -> J’écoute le podcast des Escapades Animalières

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