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Ces « lieux nature » qui ont 40 ans de retard sur les jeux vidéo.

L’été se termine doucement sur notre beau pays et vous en avez peut-être profité pour pratiquer ce qu’il est désormais commun d’appeler l’agritourisme (ou agrotourisme). Avec vos proches, vous décidez de visiter des lieux nature. Ce n’est pas une visite désintéressée, puisque vous avez des projets plein la tête. A l’entrée, vous avez des envies de découverte, de surprise, d’authenticité. Vous espérez y voir de beaux animaux, la belle nature sous tous ses angles, ou encore vous immerger dans un métier ou un univers que vous ne connaissez pas. Sur le papier, le lieu qui vous accueille coche toutes les cases. Vous réglez un tarif tout à fait raisonnable comparativement avec les grands zoos, donc tout va bien.

Et pourtant, à la sortie, c’est un sentiment de déception ou d’inachevé qui vous ronge. « Tout ça pour ça ? ».

Grâce à mon métier, j’ai la chance de visiter (parfois incognito) des lieux nature ouverts au public. Dans cette série de 5 articles, je vais vous partager les pièges que j’observe le plus souvent, et comment, en tant que porteur de projet, vous pouvez les éviter.

Le problème de l’horizontalité dans les petits parcs à taille humaine

Notre ennemi dans cet article sera l’horizontalité. Ou plutôt la conception en deux dimensions des lieux nature. Pour le dire plus simplement, votre point de vue reste souvent le même, et c’est dommage pour le plaisir des yeux. Le terrain est plat ou presque. Vous pouvez vous diriger à droite, à gauche, mais vous observez tout sous le même angle. Le monde est pourtant en trois dimensions. Les jeux vidéos ont d’ailleurs compris cela dès 1980, et ont entamé une révolution de la 3D. Dans les parcs et fermes pédagogiques, pourtant bien moins virtuels, cette prise en compte n’est pas toujours évidente.

L’horizontalité dans des lieux nature, c’est comme ne voir la tour Eiffel que du dessous : vous n’explorez pas tout son potentiel.

Prenons trois exemples pour illustrer cela :

Premier exemple : Vous êtes un adulte, debout, vous mesurez 1m70, et vous regardez un enclos peuplé de lapins. Résultat : vous ne voyez que leur dos et leurs oreilles. Vous ne pouvez pas voir comment le lapin respire. Les 1m70 qui vous éloignent (à moins de vous mettre à quatre pattes) vous privent directement de 3 de vos sens : le toucher, l’odorat, l’ouïe (on passera pour le goût). Et le pire de tous les crimes : vos photos ne sont pas belles, elles n’ont aucun intérêt.

Deuxième exemple : Votre bambin a 1 an et demi. Du haut de ses quelques centimètres, la moindre chèvre des fossés est un dinosaure à ses yeux. Du coup il a le choix entre voir l’animal du dessous (imaginez un percheron !) ou d’adopter votre point de vue, c’est-à-dire de finir sur les épaules de papa ou maman. La chèvre est donc soit trop grande, soit trop petite.

Par contre, votre petit bout a de la chance, il peut voir les insectes sur les parterres de fleurs, alors que pour vous, tout est minuscule.

Troisième exemple : un membre de votre famille est en fauteuil roulant et depuis 1 heure de visite, tout ce qu’il voit, c’est le premier barreau des barrières en bois, et le poteau gris qui porte les panneaux pédagogiques.

En concevant un lieu sans prendre en compte les perspectives (les différents points de vue possible), on ne transmet finalement qu’une information partielle sur l’animal. On ne permet pas de le découvrir sous tous ses angles. Conséquences ? On passe vite à l’animal suivant, on trace, et on finit très rapidement le tour du propriétaire.

Le problème de l’horizontalité est qu’il ne se retrouve jamais dans les commentaires des visiteurs. Personne ne dit explicitement « je n’ai pas pu voir le parc sous tous ses angles, donc j’ai tracé ma route », mais cela se retranscrit souvent de la forme « on s’ennuie vite dans ce parc », « c’est du déjà vu, c’est basique » ou encore « ça ne vaut pas son prix, en 30 minutes on était déjà ressortis ».

Si vous regardez un Rubikscub du dessus, il est blanc, uniquement blanc.

Tour Eiffel vue de dessous

Le déclic en visitant le BioParc de Doué la Fontaine : les 3 dimensions à leur paroxysme

Eloignons-nous un temps des petits parcs pour regarder les « plus gros » : les parcs zoologiques. Je laisse de côté le débat « pour ou contre les zoos », il s’avère que personnellement, j’en visite beaucoup, car ils sont une source d’inspiration en termes de zoopédagogie et de muséologie.

Je fais l’observation que plus un parc est important (au sens de son impact touristique), plus il intègre cette notion de verticalité. Bien qu’il me soit difficile de prouver une relation de cause à effet « effort de verticalité » à « succès », il faut avouer que le lien est plus que probable.

On trouve ainsi dans de nombreux zoos des :

  • observatoires: les fenêtres sur plusieurs hauteurs calibrent notre regard et nous invitent à observer plus longuement
  • belvédères, passerelles et points de vue panoramiques: pour voir le monde à des hauteurs différentes
  • jumelles ou des tubes directionnels (souvent dirigés vers un nichoir ou un arbre qu’on n’aurait jamais remarqué sinon) pour nous inviter à lever les yeux
  • tunnels, grottes ou des souterrains: pour voir le monde du dessous.
  • décrochages dans les clôtures : pour les personnes en fauteuil ou les bébés en poussette.

Et puis parfois, la verticalité est synonyme d’émotions nouvelles, comme au BioParc de Doué la Fontaine, près d’Angers. Dans ce zoo troglodyte creusé dans la roche, le seul au monde du type1, les animaux vivent dans « des espaces XXL » 1..

C’est le cas des 600 oiseaux de la volière Sud-Américaine, d’une surface totale d’un hectare, sur deux niveaux et plus d’une vingtaine de mètres de hauteur. Alors que certains zoos présentent des perroquets dont les ailes sont coupées, là c’est une occasion rare de les voir voler librement, de les voir nicher, se percher, fonder des familles au gré de leurs envies. Vivre une vie qui se rapproche le plus possible de la vie sauvage (même si la vie sauvage demeure inégalable). Moi qui ai eu la chance de vivre quelques mois en Amazonie, je peux vous garantir qu’une nuée de perruches est plus belle en vol, vue du dessous, que vue de face dans une minuscule volière.

Jouer sur la verticalité, ce n’est pas uniquement changer le point de vue, c’est aussi ajouter des mètres carrés de découverte : sur une zone d’un hectare, en y ajoutant un second niveau, on peut quasi doubler la surface au sol. Mais en plus vous ajoutez des mètres carrés de parois tout aussi intéressantes à observer !

Adaptation aux lieux nature qui ont de petits moyens

Je vous entends de loin vous dire « oui mais les zoos, ils ont de l’argent, pas moi ». Les grands observatoires en bois, les vitres blindées voir sous l’eau, la spéléologie, ça coute cher. Et vous avez raison en quelques sortes. Alors comment peut-on adapter ce concept de verticalité avec peu de budget ?

Avec les moyens du bord !

Fermez les yeux et imaginez un canyon. Vous êtes sur une toute petite barque, bien ridicule face à l’ampleur de ce monstre qui vous domine. Pourtant vous êtes dans un tout petit espace. C’est la 3ième dimension (la hauteur, ou la profondeur) qui vous donne cette impression. Les canyons ne font jamais une grande surface au sol, pourtant ils sont impressionnants. Dans votre cas, inutile de sortir les bulldozers, l’état d’esprit suffira.

  • Vous avez créé un parc pour petits animaux ? Surélevez-le ou creusez un petit fossé (4 ou 5 marches) pour que les plus grands puissent placer leurs yeux à hauteur du sol.
  • Vous avez un terrain en pente ? Ne cherchez pas à l’aplanir, profitez-en ! Les animaux et la nature sont beaux d’en face, mais aussi vue du dessus ou du dessous.
  • Au bord de vos clôtures, placez des bancs ou des talus qui serviront de marchepied pour les plus petits
  • Vous n’avez pas les moyens de créer des belvédères ou de petits ponts ? La récupération est votre alliée pour trouver de nombreuses astuces (palettes, tonneaux, pneus).
  • Jouez sur les vitrages pour permettre de voir ce qu’on ne voit pas habituellement (pour les insectes qui vivent sous terre, c’est idéal)
  • Vous voulez orienter les regards ? Placez des tubes qui donneront environ de regarder dedans, donnez envie de chercher, transformez le parcours de visite en une quête.
  • Pensez aux personnes qui ne peuvent ni grimper ni se courber : les personnes à mobilité réduites, personnes en fauteuil, bébés en poussettes ; aménagez-leur des espaces agréables.

Bien-sûr il ne faut pas tomber dans le piège de cet article : si vous concevez un « lieu nature », ce n’est pas votre budget qui compte. C’est votre prise en compte de votre parc dans ses trois dimensions, et votre compréhension qu’il faut guider le visiteur pour qu’il puisse explorer toutes les facettes de sa visite.

Et si vous êtes simple visiteur, pensez-y lors de votre prochaine escapade : laissez vos yeux trainer là où ils ne trainent pas habituellement.

1 d’après le site bioparc-zoo.fr

Merci d’avoir lu cet article, et à bientôt !
Tristan FERRE, entrepreneur passionné
Fondateur des Entrepreneurs Animaliers

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